CD Testament SBT2 1504. Notice en anglais, pas de livret. Distr. Socadisc.
En 1962, deux ans avant sa mémorable intégrale pour EMI, Klemperer impose Die Zauberflöte en langue originale sur la scène et à la troupe du Covent Garden. Le public anglais, peu habitué aux dialogues en allemand (préservés dans cet enregistrement, contrairement à ce qui se passera dans la version de studio), dépité par la mise en scène pataude de Georg Eisler (le fils de Hanns), critique aussi la direction de Klemperer, jugée trop statique. On a du mal à le comprendre, la prétendue lenteur du chef nous paraissant toujours mise au service du mystère et du mysticisme d'une partition qui les réclame ; ce qu'on a taxé de "statisme" n'est le plus souvent (à part dans quelques scènes du temple) que large respiration, phrasé épanoui, gestion dramatique des silences, et n'exclut nullement les accélérations, la vivacité (voir l'arrivée de Papageno chez Sarastro). Mais Klemperer se heurte ici aux forces du cru et à des habitudes d'interprétation prosaïques : orchestre brouillon (les cordes dans l'Ouverture !), chanteurs parfois trop bien rodés (le Papageno paternaliste et cabotin d'Evans, adulé des spectateurs) ou dépourvus d'aura (le Sarastro monochrome de Kelly). L'idée d'offrir à Sutherland sa première Reine de la nuit se défendait : l'Australienne - jusqu'alors cantonnée au rôle de la Première Dame - fait souffler un incontestable vent de romantisme lors de ses apparitions, et son médium est encore superbe. Mais, outre qu'elle transpose ses deux airs vers le bas (d'un demi-ton puis d'un ton), elle cafouille dans les vocalises, assez lourdes, et néglige, contredit même les indications du chef (ce dont elle se flattera dans son autobiographie !). Le reste de la distribution réserve davantage de satisfactions, notamment en ce qui concerne l'immense Sprecher de Hotter, bien sûr, mais aussi, et de façon plus surprenante, la Pamina d'abord un peu trop vibrée et pétulante de Carlyle, mais sublime de raffinement dans son air. On peut ne pas goûter le chant suranné, parfois ampoulé de Lewis mais l'interprète se réveille dans les scènes d'action (magnifique finale du Ier acte), jouant avec discernement de sa facile voix mixte et conférant au rôle davantage d'humanité que son successeur Gedda. De bons comparses (hélas, pas de Knaben en Génies, mais au moins deux Dames - Josephine Veasey, Monica Sinclair - de haut vol) complètent cette version à l'intérêt prioritairement documentaire.
O.R.