CD Malibran MR 779. Distr. Malibran.
C'est la première pécheresse - repentie - de Massenet : Eve ne verra le jour qu'en 1875, l'année du Roi de Lahore. Créée par Colonne à l'Odéon en 1873 avec Pauline Viardot, l'œuvre annonce Hérodiade et Thaïs, sans en dégager les très sensuels effluves - Marie-Magdeleine montre plus de retenue devant Jésus que Salomé n'en montrera devant Jean-Baptiste... Mais cette partition que Massenet ne trouvait « ni sacrée ni dramatique », alors qu'elle perpétue les manières de l'oratorio, sent parfois bel et bien l'opéra, si bien que Nice le mit à la scène en 1903, suivi par l'Opéra-Comique trois ans plus tard. Bizet, Saint-Saëns, Tchaïkovski, en tout cas, furent aussitôt séduits.
Aucune version ne satisfaisait vraiment, ni celle de Michèle Command, ni celle d'une Régine Crespin captée beaucoup trop tard. Malgré la prise de son, ce concert de la Radio prend ainsi la tête de la discographie. L'excellent Eugène Bigot tire le meilleur de l'Orchestre Radio-Lyrique, avec des couleurs et du rythme. Et Yvonne Gouverné a préparé le chœur. De bons soutiens pour Berthe Mommart, grand soprano à la française, incarnation d'une école et d'un style, contemporaine de la Crespin dont la gloire lui fit de l'ombre : la noblesse du ton et de la ligne en fait, de loin, la première Marie-Magdeleine à écouter. On mettra au même niveau la superbe, impressionnante Marthe de Denise Scharley - qui, elle, fut éclipsée par Rita Gorr. Le solide Paul Finel, toujours un peu nasal, fait un Christ plus plébéien, pas très irradiant, mais Julien Giovannetti campe un Judas impérieux et mordant, aux graves bien assis.
On reconnaît, pour la désannonce, la voix du regretté Jacques Bourgeois. Viennent ensuite les bonus, incunables précieux : Léon Beyle dans la Prière du deuxième acte, Germaine Martinelli dans les deux airs, mais aussi Joachim Cerdan en Scindia éperdu du Roi de Lahore...
D.V.M.