Yevgueni Kibkalo (Alexei Meressiov), Glafira Deomidova (Olga), Georg Shulpin (le Grand-Père Mikhaïlo), Vera Smirnova (la Grand-Mère Vassilissa), Margarit Miglaou (Varya), Antonina Ivanova (Petrovna), Alexander Souzanov (Serionka), Arthur Eisen (le Commissaire), Mark Rechetine (Vassili Vassilievitch), Chœurs et Orchestre du Théâtre Bolchoï, dir. Mark Ermler (1961).
CD Melodiya MELCD 1002353. Distribution Outhere.

Ultime opéra de Prokofiev, qui en pressa l'écriture dans l'espoir - déçu - de voir Guerre et Paix sur la scène du Stanislavski, L'Histoire d'un homme véritable est-il plus qu'un pensum consenti au Parti ? Musicalement si peu que pas, malgré les effets de sonorisation cinématographiques qui rappellent, en faisant décor, les visées modernistes progressivement abandonnées par le compositeur depuis son retour en URSS. Pourtant, derrière le langage formaté du livret - tiré du roman de Boris Polevoï soit-disant inspiré d'une histoire véridique - et malgré son ton de propagande, un drame se joue pour le compositeur : son épouse Lina vient d'être condamnée à vingt ans d'internement, autant dire la mort. Quelque chose d'amer, de désabusé transparaît tout au long des deux heures quinze de musique que Prokofiev écrivit tant bien que mal et en vain : la création n'aura lieu que le 7 octobre 1960, sept ans après sa mort, dans une version péniblement mise au point par Mira Mendelsohn qui fit tenir quatre actes en trois. L'enregistrement effectué l'année suivante et réédité ici reprend la distribution de la création. Du moins l'œuvre est dans son jus et Yevgueni Kibkalo donne une sacrée stature à Alexei Meressiov, au centre d'une troupe qui feint de croire à l'ouvrage avec art - ce sera d'ailleurs la seule gravure de cette Histoire. Entre-temps, Prokofiev avait été vengé : le 15 décembre 1959 Guerre et Paix paraissait sur la scène du Bolchoï.

J.-C.H.