Torsten Kerl (Tannhäuser), Camilla Nylund (Elisabeth), Michelle Breedt (Vénus), Markus Eiche (Wolfram von Eschenbach), Kwangchul Youn (Landgrave), Lothar Odinius (Walther von der Vogelweide), Chœurs et Orchestre du Festival de Bayreuth, dir. Axel Kober, mise en scène : Sebastian Baumgarten (Bayreuth, 12 août 2014).
Opus Arte OA1177D (2 DVD). Dist. DistrArt Musique.

 

Dans Tannhäuser, Sebastian Baumgarten a choisi. Sans surprise ce sera Vénus qui vaincra, parée à la fin d'une robe d'or et emportant un enfant dans ses bras : l'espoir, après le cauchemar sans remède où il aura plongé les protagonistes comme l'œuvre de Wagner. Lors de sa création le 25 juillet 2011, ce nouveau Tannhäuser, qui invitait le public en scène, déconcerta certains, en irrita d'autres au point de quitter la salle, ne satisfit personne. Le metteur en scène est un enfant du sérail, mais il s'en est détaché ici avec une maestria incontestable. Cette Wartburg obsédée par la purification qui vomit ses incurables au Venusberg ou les recycle dans des containers à destination de Rome est un cul-de-sac irrémédiable ; le Venusberg, une cage d'horreur où règne un stupre mortifère commandé par une Venus enlaidie, quasi syphilitique ; avec un Tannhäuser que même le Pape ne peut sauver des attraits de la passion sexuelle et qu'à l'exorde une vidéo montre gisant mort, tout cela compose un univers saisissant - à quoi s'ajoute, grâce à la proximité de la captation, une direction d'acteur millimétrée. Au fond, la proposition qui refuse toute séduction captive autant par le propos que par sa réalisation, et méritait bien cette reprise filmée l'année dernière.

Bémol majeur, la direction attentiste et morcelée d'Axel Kober qui ne retrouve ni les audaces ni l'approche historiquement informée tentées par Thomas Hengelbrock lors de la création du spectacle. Camilla Nylund reprend son Elisabeth avec aplomb - timbre rayonnant porté par l'acoustique de Bayreuth et incarnation saisissante -, tout comme la Vénus de Michelle Breedt dont l'opulence vocale contredit l'enlaidissement que lui fait subir Baumgarten. Markus Eiche déçoit, Wolfram sans magie de timbre, sans rêve dans la ligne (or c'est bien le seul qui pourrait avoir cela ici), Kwangchul Youn ne retrouve par le mordant abyssal que mettait Günther Groissböck à son Landgrave. Reste le cas Torsten Kerl. Il tient son Tannhäuser jusqu'au bout, ce qui est déjà en soi un exploit surtout parmi les tenants du rôle aujourd'hui, mais ce timbre laid et gris, ces phrases courtes, ce chant sans envol restent, à notre sens, rédhibitoires. Ceux qui ne craignent pas de voir leur Tannhäuser bousculé trouveront là un spectacle moins iconoclaste qu'on l'a pensé mais toujours aussi percutant.

J.-C.H.