Ann Hallenberg (mezzo-soprano), Il Pomo d'Oro, dir. Riccardo Minasi (2015).
CD DHM 8875055982. Notice en français. Distr. Sony.
Les Agrippine étaient trois - les deux enfants du consul Marcus Agrippa et, fille de l'une et nièce de l'autre, la plus connue : la mère de Néron. Fascinée par cette triple figure, Ann Hallenberg a eu la bonne idée d'en évoquer les mises en musique à travers seize arias tirées de dix opéras composés entre 1676 (Legrenzi) et 1743 (Sammartini). Au petit jeu des absences, signalons celle du Germanico (abusivement) attribué à Haendel, dont l'intégrale a été gravée par Ottaviano Tenerani chez DHM en 2010. Le petit jeu des comparaisons, lui, tournera vite court : à l'exception des extraits de l'Agrippina de... Haendel, justement, et du Germanicus de Telemann, tous les morceaux retenus sont inédits !
Hallenberg y fait valoir sa technique éblouissante et sa voix parfaitement homogène, d'une constante rondeur - surtout dans le registre de mezzo -, aussi véloce dans les plus folles vocalises (« Mi paventi il figlio indegno » de Graun) que posée, quasi instrumentale dans les messe di voce (« Date all'armi » de Perti). Le timbre, certes, n'est pas des plus latins et l'on sent que l'interprète n'est pas parfaitement à l'aise dans l'expression de la rage (« Tutta furie » d'Orlandini) : son tempérament la porte davantage vers l'introversion et la mélancolie - sur ce plan, l'intense « Rimembranza crudel » de Telemann comble les attentes que ne faisait qu'exacerber l'incarnation d'Elisabeth Scholl (intégrale CPO, 2010).
La direction théâtrale de Riccardo Minasi ne suffit pas toujours à « bousculer » une voix presque trop somptueuse pour signifier la frustration ou la tentation du mal. D'autant qu'on a connu Il Pomo d'Oro - qui enregistre vraiment beaucoup, ces temps-ci - en meilleure forme : cordes parfois imprécises (écoutez plutôt l' « Ogni vento » de Haendel dirigé par Gardiner) et cors à l'intonation suspecte (plage 5). Malgré ces réserves, un album superbe au programme passionnant où l'on remarque particulièrement les airs de Graun et Sammartini ainsi que la brève et frappante scène de Mattheson.
O.R.