Gal James (Jenufa), Dunja Vejzovic (Kostelnicka), Iris Vermillion (la Grand-Mère Buryjovka), Ales Bricsein (Laca), Taylan Reinhard (Steva), Tatjana Miyus (Karolka), Chœurs et Orchestre de l'Opéra de Graz, dir. Dirk Kaftan (live 2014).
CD Oehms OC 962. Distr. Outhere.

 

Modeste, cette Jenufa venue de Graz dont les quelques photos de scène font regretter de ne pas disposer d'une captation vidéo du sobre spectacle réglé par Peter Konwitschny, ce qui d'ailleurs n'est pas un défaut pour Janacek dont l'orchestre âpre s'accommode bien des moyens frustes de l'orchestre de la capitale de la Styrie, sinon de la direction sans grande tension de Dirk Kaftan. C'est le bémol de cette captation où la vie dramatique de l'œuvre n'est portée que par les protagonistes. Parmi eux, une incarnation rédhibitoire, le Steva en voix de corbeau, réduit à sa seule ivrognerie, de Taylan Reinhard. Comment Jenufa peut-elle être aussi aveugle - et surtout sourde ? Qui a donc eu, depuis un certain temps, la mauvaise idée de distribuer Steva à des ténors de caractère ? Or Gal James a tout pour camper une grande Jenufa, la voix dorée, les mots angoissés, le rêve intérieur, et à la fin une fierté dans un timbre si volontaire qui fait de ses dernières paroles une assomption. Elle s'affronte à la Kostelnicka plus terrifiée que terrifiante de Dunja Vejzovic - droguée, perdue, elle tirerait des larmes si les micros lui étaient plus bienveillants. Pourtant, tout l'acte II est à marquer d'une pierre blanche, y compris le dialogue entre Laca et la Kostelnicka, où Ales Bricsein sonne si juste de sentiment. Les noces du III, la découverte de l'enfant mort, la perdition de la Kostelnicka sont moins réussies, la faute au chef, si peu capable de faire entendre la détresse des âmes et la folie du village. C'est dommage, car pour Gal James plus émouvante que fragile, pour Dunja Vejzovic qui tient là son grand emploi du moment, la captation, qui aurait mérité d'être plus soignée, s'impose de justesse.

J.-C.H.