Capucine Chiaudani (Fedra), Tomasz Zagorski (Teseo), Rebacca Nelsen (Ippolito), Dae-Bum Lee (Teramene), Hyu-Jin Shin (Atide), Jörn Lindemann (Filocle), Ch. et Orch. du Staatstheater de Braunschweig, dir. Gerd Schaller (live 2008).
CD Oehms Classics OC 920. Notice en allemand et en anglais. Livret en italien. Distr. Outhere.

 

L'adaptation de la tragédie de Racine aux schémas de l'opéra séria, dans ce melodramma de 1820, avant-dernier opéra de Mayr créé à La Scala de Milan, se révèle très habile et plutôt réussie. Elle dénote un métier remarquable chez Luigi Romanelli, le librettiste attitré du théâtre. Pas une péripétie ne manque à sa synthèse en deux actes, à part le personnage d'Aricie - seulement évoquée dans l'air d'entrée d'Ippolito - et quelques morceaux de bravoure comme le récit de Théramène, réduit ici à une banale intervention du chœur dans une belle scène de remords de Thésée. Si l'action qui en résulte est un peu précipitée - l'opéra dure à peine deux heures - et le climat psychologique, banalisé, le livret offre au compositeur l'occasion de construire, à côté d'airs un peu plus conventionnels, de belles scènes et des morceaux d'ensemble où s'exprime un authentique génie dramatique. Au meilleur de son inspiration - le duo de l'aveu de Phèdre, le magnifique quatuor qui ouvre le finale du Ier acte (dont la Tempête et les échanges des solistes et du chœur rappellent la fin du IIe acte d'Idoménée), ou encore la grande scène de la mort de Phèdre -, la musique de Mayr évoque souvent le Rossini séria napolitain dont cet opéra est l'exact contemporain, n'était l'usage du recitativo secco et de tournures mélodiques qui lui sont propres.

La vocalité des personnages nous renvoie aux mêmes codes, un soprano dramatique très central pour le rôle-titre, un baryténor pour Teseo et un mezzo colorature pour Ippolito. Les chanteurs réunis pour cette recréation par l'opéra de Braunschweig y laissent quelques plumes, à l'exception du soprano léger de Rebecca Nelsen, éblouissante de virtuosité. Capucine Chiaudani, avec sa belle voix centrale, donne beaucoup de relief au rôle-titre mais elle est souvent taxée par une écriture tendue dont son articulation paraît souffrir et arrive au bout de sa scène finale en ayant épuisé toutes ressources. De même, le Teseo de Tomasz Zagorski, à la belle voix claire de mozartien, laisse entendre toute la difficulté des écarts de registre de son air d'entrée et de certains aigus ; mais il s'impose par son autorité et une appréciable musicalité. Tous deux compensent largement leurs limites par un engagement remarquable qui emporte toute réserve et contribue à révéler la force d'une œuvre de grande originalité. Malgré quelques faiblesses du côté des chœurs et des seconds plans limités - le Teramene de Dae-Bum Lee, bonne basse certes mais émission bizarre, ou l'Atide (Oenone) de Hyo-Jin Shin dont les récitatifs demanderaient un peu plus d'engagement -, la tension ne faiblit jamais dans cette version enregistrée sur le vif et dirigée avec une conviction et un sentiment d'urgence très prenants par Gerd Schaller à la tête d'un excellent orchestre.

A.C.