Michaela Kaune (Mechtilde), Ines Krapp (Clärchen), Lea Marlen Woitack (Silvana), Ferdinand von Bothmer (Rudolph von Helfenstein), Jörg Schörner (Albert von Cleeburg), Detlef Roth (Comte Adelhart), Andreas Burkhart (Grimmbach), Simon Pauly (Krips), Tareq Nazmi (Kurt). Orchestre de la radio de Munich, chœur de la radio bavaroise, dir. Ulf Schirmer (2010).
CD CPO 777 727-2. Notice et livret en allemand et en anglais. Distr. DistrArt Musique.

 

La genèse de Silvana, créée à Francfort en 1810, remonte à 1800, alors que le jeune Weber, à peine âgé de 13 ans, faisait jouer à Freiberg (Saxe) son opéra Das Waldmädchen. Peu satisfait du résultat, le compositeur se laissa convaincre plus tard par le peintre et librettiste Franz Carl Hiemer de reprendre le sujet sur un nouveau texte, décision heureuse car Silvana remporta un beau succès, en particulier lors de la reprise berlinoise de 1812.

L'héroïne de Weber partage avec le rôle-titre de La Muette de Portici (1828) la caractéristique peu banale d'être plongée dans le mutisme. Contrairement à la Fenella d'Auber, Silvana conserve l'usage de la parole, mais doit se contraindre à garder le silence en raison de l'injonction de son père adoptif qui la garde captive au sein de la forêt. Au terme d'une intrigue pour le moins abracadabrante, Silvana retrouve son véritable père (le comte Adelhart), épouse l'homme qu'elle aime (Rudolph von Helfenstein), tandis que la résolution d'anciennes querelles familiales permet à sa sœur Mechtilde de connaître enfin le bonheur avec le valeureux Albert von Cleeburg.

Ce qui retient d'abord l'attention de cette partition, c'est l'orchestration déjà brillante de Weber, son traitement très mozartien des bois et quelques superbes passages de pantomime où les mélodies du violoncelle ou du hautbois prêtent une belle éloquence à Silvana. Pour la petite histoire, on notera que cette musique accompagnait à la création le jeu de la comédienne et chanteuse Caroline Brandt, qui allait devenir Mme Weber en 1817. Mais les grands airs des protagonistes, d'une virtuosité échevelée et aux intervalles parfois éprouvants, souffrent d'une écriture vocale encore malhabile et sont dépourvus du charme qui fera tout le prix du Freischütz ou d'Euryanthe.

La discographie de l'œuvre comprenait jusqu'à présent une seule version, parue chez Marco Polo en 1997 et dirigée par Gerhard Markson. Enregistré en 2010, ce nouveau coffret bénéficie d'une excellente prise de son et du travail remarquable du chef Ulf Schirmer, qui utilise le matériel de l'édition critique publiée en 2011. À la tête des effectifs de la radio munichoise, Schirmer tire le maximum de l'ouvrage : orchestre nerveux et précis, somptuosité des bois et des cors, chœur dynamique. Il dispose toutefois d'une distribution qui refroidit malheureusement notre enthousiasme et dont on retiendra seuls les barytons Simon Pauly et Detlef Roth. Le premier est un Ecuyer truculent qui vient alléger l'atmosphère de la pièce, alors que le second révèle un vrai tempérament dramatique et une magnifique ligne de chant dans le rôle de l'inflexible comte Adelhart. Malgré le mérite de ces deux interprètes et l'excellence de la direction, c'est trop peu pour combler nos attentes.

L.B.