José van Dam (Œdipe), Valentina Valente (Antigone), Jean-Francis Monvoisin (Clios), Hanna Schaer (Diotime), Ruby Philogene (Calliope), Orchestre Symphonique et Chœurs de la Monnaie, dir. Daniele Callegari (Bruxelles, live 2003).
CD Evidence EVCD011. Distr. Harmonia Mundi.

 

Pierre Bartholomée est mieux connu en France pour ses activités de chef d'orchestre, notamment à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Liège, qu'en tant que compositeur. Son catalogue est pourtant suffisamment riche et varié pour que l'on s'intéresse de près à une musique de grande qualité. Premier des deux opéras issus d'une collaboration avec Henry Bauchau et consacrés aux figures mythologiques d'Œdipe et d'Antigone, Œdipe sur la route repose sur un livret tiré de Diotime et les lions, texte qui tient à la fois de la poésie épique, de la tragédie et du roman.

Des personnages humains malgré leur statut, s'exprimant dans une langue simple et directe, donnent un souffle remarquable à cet opéra qui fait habilement fusionner dans un flux continu action dramatique et récit épique. Le meilleur moteur de cet élan est la matière orchestrale, riche, variée et généreuse. Souvent polarisées et non exemptes de consonances, les harmonies ne sont jamais systématiques. L'orchestre de la Monnaie restitue très joliment les finesses d'une écriture instrumentale originale, qui joue autant sur la sophistication des alliages que sur des moments quasi chambristes, s'exhibant volontiers dans de nombreux interludes. L'écriture vocale, en revanche, est plus équivoque. Outre les lignes souples et nettement lyriques qui correspondent en général aux moments dramaturgiques introspectifs, notamment aux évocations du passé, elle évolue souvent sur un terrain atonal indifférencié qui véhicule étonnamment certains clichés de la vocalité « contemporaine ». Si le charisme vocal de José van Dam absorbe sans problème ces virages mélodiques un peu raides tant il crée de son timbre lumineux une bulle acoustique qui semble flotter au-dessus des contingences de l'écriture, il n'en va pas de même pour le Clios du ténor Jean-Francis Monvoisin qui, en comparaison, paraît souvent terne. Sa voix fréquemment en tension souligne l'aridité des lignes qui lui sont confiées. Antigone trouve en Valentina Valente une incarnation à la forte personnalité qui, à l'exception de fugaces incursions dans un mode d'émission un peu trop laryngé, lui communique l'aura d'un personnage noble et généreux. Elle se montre particulièrement émouvante dans l'air où elle proclame sa vocation à guider son père, telle un astre (IV, 2).

Cette prise de son, réalisée par la RTBF pour une télédiffusion, rend justice à l'orchestre mais reproduit les voix de façon très hétérogène, conduisant à leur éclipse partielle lors de certains mouvements scéniques, ce qui grève assez lourdement le plaisir de l'écoute. On se réjouira malgré tout de voir ce bel opéra sortir de l'oubli qui le menaçait.

P.R.