CD Decca 4788194. Notice en français. Distr. Universal.
Des cinq drames de Métastase que Leonardo Vinci (1696 ?-1730) a été le premier à mettre en musique, Diego Fasolis avait déjà enregistré - pour Virgin, en 2011 - le dernier et le plus fameux : Artaserse (1730). Toujours à l'initiative de Parnassus Arts Productions, une équipe comparable, cette fois conduite par Riccardo Minasi, propose aujourd'hui le second : Catone in Utica (1728). Etant donné que les deux ouvrages furent créés à Rome par une distribution entièrement masculine (les dames étant alors jugées indésirables en scène par la papauté), la résurrection de Catone, comme celle d'Artaserse, ne fait elle aussi appel qu'à des hommes : quatre contre-ténors et deux ténors.
De l'avis général des spécialistes, et du public de l'époque, le livret de Catone n'est pas aussi abouti que celui d'Artaserse : les efforts tentés par Métastase pour séduire l'auditoire romain (en optant pour un drame héroïque, se terminant abruptement sur le suicide du protagoniste) se retournèrent contre lui et, dès l'année suivante, il remania l'ouvrage en y insérant un artificiel lieto fine (sans grand résultat : il dut le revoir encore dans les années 1750). Vinci, qui fut le collaborateur le plus apprécié de Métastase, avait pour principale qualité de respecter parfaitement l'écriture du dramaturge, son rythme, sa gestion des temps forts et faibles, etc. : en résulte un Catone inégal, dont les récitatifs (plusieurs scènes durent de 8 à 10 minutes !) lassent la patience de l'auditeur moderne et dont plusieurs airs peinent à retenir l'attention, avant que celle-ci ne s'attache à un très bel acte III, riche en accompagnati. Espérons que la version scénique proposée ces prochains mois par Minasi et ses complices osera quelques coupes au sein de ces quatre heures de musique pas toujours inspirée.
Le chef n'est d'ailleurs pas en cause, qui sait concilier fougue et hédonisme (dans les reprises). La distribution ne manque pas non plus d'atouts : on apprécie la chaleureuse incarnation des deux amoureux transis par Cencic (mezzo) et Mitterrutzner (ténor néanmoins un peu acide dans "Piangendo ancora", l'air le plus touchant de l'ouvrage), comme le lyrisme enflammé de Fagioli (sopraniste), dont on déplore cependant le trille de plus en plus surarticulé. Un cran en dessous se situent les interprètes plutôt sous-dimensionés de Caton (ténor) et de sa fille Marzia (sopraniste) - le premier exagérant l'expression au détriment d'un timbre fragile, le second manquant de couleurs malgré une suavité émouvante. Seul gros point noir : la petite voix aigre du sopraniste Vince Yi qui ne rend guère justice à la veuve de Pompée, d'ailleurs peu gâtée par Vinci (Vivaldi opérera le choix inverse dans son propre Catone de 1737).
Un constat mitigé, donc, même si l'entreprise reste globalement enthousiasmante par ce qu'elle nous révèle de ce continent encore mal exploré : l'opéra séria.
O.R.