Denise Boursin (Isabelle), Berthe Monmart (Marguerite), Claudine Collart (Nicette), Joseph Peyron (Mergy), Lucien Lovano (Girod), Camille Maurane (Comminge), dir. Robert Benedetti (enr. Paris, 13 juin 1959).
Renée Doria (Isabelle), Michèle Le Bris (Marguerite), Françoise Louvay (Nicette), Michel Sénéchal (Mergy), Adrien Legros (Girod), dir. Jésus Etcheverry (enr. Paris, 1962).
Bonus : deux extraits par Marcelle Deynia, Willy Tubiana et Germaine Féraldy. Extraits de Zampa, dir. Paul Paray et deux airs par Daniel Vigneau.
Malibran CDRG 213. Distr. Malibran.

 

La jolie reprise, en mars 2015, de ce Pré aux clercs trop longtemps absent du répertoire de l'Opéra-Comique, a suscité l'envie d'en revisiter les charmes. En attendant la parution de l'enregistrement réalisé dans la foulée des représentations pour la collection du Palazzetto Bru Zane, la version radiophonique réalisée en 1959 sous la direction de Robert Benedetti, initialement publiée par Musidisc en 1992, reparaît (privée des dialogues) dans une « remastérisation » qui ajoute du mordant au prix d'une certaine acidité plus ou moins dommageable pour les timbres les moins ronds. Défaut sensible aussi dans les sept extraits d'une prise radio de 1962, malgré une meilleure qualité sonore.

Aucune réserve à faire sur le report des gravures historiques (ca 1930) : Marcelle Deynia (Nicette) et Willy Tubiana, dont la voix « habitée » campe un Girod d'anthologie dans le duo écourté, puis Germaine Féraldy au vibrato si charmeur dans un condensé de « Jours de mon enfance ». La voix longue du baryton Daniel Vigneau (dans « Que la vague écumante » de Zampa) offre un beau modèle de maîtrise et de style.

Parmi les points les plus remarquables du Pré aux clercs de 1959, on citera la Nicette d'une inaltérable fraîcheur de Claudine Collart (tandis que l'estimable Isabelle de Denise Boursin semble d'un autre âge), la bonhomie de Lucien Lovano (Girod), l'autorité vocale de Berthe Monmart, idéale en Reine Margot, l'immense solo de violon (en prélude de l'acte II) qu'on suppose joué par le chef (ou par son frère, René Benedetti ?) et, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, l'incroyable Mergy de Joseph Peyron, parfait musicien toujours aux franges de la caricature à force de sur-jouer et de sur-articuler. Enfin, il règne dans les chœurs et dans l'orchestre cette bonne humeur qui manquait un peu récemment salle Favart.

L'enregistrement de 1962, sous la direction plus raide de Jésus Etcheverry, révèle un autre couple bien apparié : Adrien Legros (Girod) et Françoise Louvay (Nicette) - qui déçoit cependant dans la ronde « À la fleur du bel âge » assez quelconque ; un Mergy de grande classe, Michel Sénéchal (mais dont le timbre semble altéré) ; et surtout Renée Doria dont l'art de glisser entre certains intervalles confère à « Souvenirs du jeune âge » une puissance d'émotion qu'on n'imaginerait pas. Dans l'air de bravoure « Jours de mon enfance », en revanche, c'est une femme épanouie qu'on entend. Très beau, certes, exemplaire (sauf un interminable "si" aigu), mais ce n'est plus le personnage, et la confrontation avec la Marguerite juvénile de Michèle Le Bris inverse les rôles. Qu'importe, réécoutons « Souvenirs du jeune âge », c'est le cœur palpitant de ce coffret et personne ne sait plus faire cela aujourd'hui dans le répertoire français.

G.C.