Signum 400. Notice en anglais. Distr. UVM Distribution.
Mitridate (1770), génial opéra séria d'un compositeur de quatorze ans inspiré par Racine, est désormais disponible dans une douzaine de versions - selon la Discographie très complète de Pierre Flinois (L'ASO n° 263) -, parmi lesquelles cette nouvelle venue peut dignement revendiquer sa place. Son premier atout est d'ordre documentaire : sur le quatrième CD ont été rassemblés les huit morceaux originellement composés par Mozart pour une distribution prestigieuse mais capricieuse qui le força à les réviser. Avouons que ces inédits nous ont plutôt persuadé du bien-fondé de la réfection : car si le duo alternatif de l'acte II peut se mesurer à celui que l'on connaît, les sept airs primitifs nous ont paru moins percutants que leurs remplaçants. La force de l'habitude, peut-être... Autre atout du coffret : la direction extrêmement équilibrée, vivante, de Ian Page, dosant de façon parfaite élan mélodique et détail expressif, tout en valorisant un orchestre « d'époque » aux pupitres savamment fondus (dont, pourtant, les solistes ne semblent pas spécialement virtuoses, si l'on en juge par la prestation du cor solo). Les récitatifs, mobiles mais d'une belle éloquence (écoutez par exemple les dernières scènes de l'acte II), conduisent naturellement à des arias dont on a travaillé cadences et ornementation sans pour autant en faire des pages de concert. Seul Harnoncourt a su aller plus loin dans la compréhension de l'œuvre, notamment lors des récits accompagnés (un peu placides, ici), qu'il chargeait de prémonitions romantiques. La distribution vocale, fraîche et agréable, n'atteint pas les mêmes sommets. A l'acte I, tout le monde affiche ses limites : absence de grave pour Mitridate et Aspasia, manque d'incisivité et de couleurs pour Sifare et Ismene. L'emploi d'un falsettiste en Farnace ne nous a jusqu'ici convaincu qu'en scène dans la version de Paul Daniel (DVD Covent Garden) : avec une voix blanchie par l'abus de rôles lourds et des notes de poitrine trop rares, déconnectées du reste du registre, Zazzo ne s'y impose guère (surtout à l'acte I, à nouveau) - Hamari, Fassbaender et Hammarström s'y sont toutes montrées beaucoup plus « viriles » ! Au fil de l'œuvre les choses s'arrangent, surtout pour Barry Banks qui, passé la cavatine d'entrée, campe un roi à la fragilité de plus en plus menaçante, aux aigus brillants dans « Già di pietà mi spoglio ». Les autres interprètes pâtissent surtout de la concurrence : la tendre Persson ne peut faire oublier l'altière Kenny (Harnoncourt), la suave Bevan s'efface derrière la torche Bartoli (Rousset), la noble Ek derrière la si touchante Cotrubas (Hager) - sans parler de Murray, totalement surclassée par Flórez (Rousset) ! Il n'empêche : ce nouveau Mitridate vaut davantage pour son tout que pour la somme de ses parties. On le réécoutera avec plaisir.
O.R.