Naxos 8.660198.99. Distr. Outhere.
Exactement contemporain de la première Léonore de Beethoven, cet Amor coniugale, créé à Padoue en 1805, s'inspire comme elle de la pièce homonyme de Nicolas Bouilly. Gaetano Rossi en a condensé les péripéties en un acte unique, supprimant au passage le personnage de Jaquino et réduisant considérablement les scènes « comiques » du premier acte. Le livret n'offre ainsi au compositeur que la possibilité d'un seul quatuor - situé dans la deuxième partie - mais remarquable et qui constitue le sommet en même temps que le dénouement de l'œuvre. Par comparaison, le finale après le duo des retrouvailles paraît plus banal. Tous les numéros y sont, hormis ceux qui impliquent un chœur ou le second ténor. On reconnaîtra aisément les personnages de l'opéra de Beethoven sous le travesti de leur nom polonais.
Sous-titré farsa sentimentale, l'opéra de Mayr appartient au genre semiseria dans lequel, cinq ans plus tard, Rossini fera ses premières armes avec l'Inganno felice. Il s'agit également d'un opéra à sauvetage. Formellement, le schéma est le même avec une longue introduction intégrant sans solution de continuité trois numéros de la partition, jusqu'à un trio marquant la première rupture. Très limité dans la première partie, le récitatif l'est plus encore dans la seconde, constituée entièrement par la scène de la prison. Si le langage de Mayr regarde plutôt du côté du classicisme viennois et de Mozart auquel il emprunte, du reste, quelques éléments du matériau musical de Don Giovanni - remarquablement intégrés -, pour son quatuor de la seconde partie on sent pointer les avancées sur lesquelles Rossini bâtira son style personnel et notamment l'utilisation de figures rythmiques répétées et du crescendo. Le ton, bien sûr, n'est pas aussi dramatique que chez Beethoven, mais l'œuvre ne manque pas d'un certain lyrisme et, si la première partie, à un ou deux airs bouffes près, peut sembler assez générique en termes d'inspiration, toute la scène de la prison est incontestablement d'une grande originalité et offre une montée en puissance du drame très captivante.
Elle justifierait à elle seule l'écoute de cet enregistrement réalisé en public au festival Rossini in Wildbad 2004. Il présente certes quelques limites dues à la jeunesse des protagonistes, mais elles n'hypothèquent aucunement l'intérêt de cette réalisation. La Zeliska / Leonore semble un peu mal à l'aise avec la tessiture très longue de son grand air de la première partie mais elle est partout ailleurs très convaincante ; l'Amorveno / Florestan de Francescantonio Bille est plus un ténor di grazia qu'un tenor héroïque mais il maîtrise parfaitement son rôle. Aucune réserve, en revanche, du côté des basses Peters / Rocco et Moroski / Pizzaro, ou sur la Floreska / Marcelline. L'excellent orchestre du Wurtemberg, brillamment dirigé par Christopher Franklin, rend pleinement justice à une orchestration très élaborée. Comme Mayr avait emprunté à Mozart, Rossini lui empruntera à son tour, une dizaine d'années plus tard, un thème musical célèbre entre tous, pour une cantilène dans l'un de ses opéras que vous n'aurez aucun mal à reconnaître vous-même...
A.C.