Ruggero Raimondi (Don Giovanni), Kurt Moll (le Commandeur), Margaret Price (Donna Anna), Hermann Winkler (Don Ottavio), Julia Varady (Elvira), Stafford Dean (Leporello), Enrico Fissore (Masetto), Lucia Popp (Zerlina). Chœur et Orchestre de l'Opéra de Munich, dir Wolfgang Sawallisch (live 1973).
Orfeo C 846 153 D. Distr. Harmonia Mundi.

 

Hier disponible sous étiquettes Melodram et Myto, cette captation sur le vif du festival de Munich 1973 nous revient dans un son des plus flatteurs grâce aux soins de la collection Bayerische Staatsoper. Deux ans après la disparition du grand Sawallisch, hommage lui est ainsi rendu de manière opportune et digne de l'immense talent d'un serviteur émérite de Mozart, autant que de Wagner et de Strauss.

De Mozart, précisément, l'amoureux des voix, parfait concertatore, Kappelmeister de haute école, nous offre une lecture théâtrale sans foucades ni excès de pathos, vive mais tendre, noble mais exempte de raideur. La cure de baroquisme prescrite, depuis lors, aux opéras de Wolfgang, n'était pas encore de mise, l'étiage vocal des productions demeurait, lui, sans équivalent aujourd'hui.

Une justice immanente veut que la distribution féminine éclipse à cet égard le Don prédateur comme les amoureux en titre ou le serviteur madré ! Raimondi est déjà ce machiste incisif autant que sirupeux, négligé au plan du style, du phrasé comme de l'intonation, sans le secours des images que lui peaufinera Losey. Stafford Dean sonne généreusement même si son Leporello mange les barres de mesure. Hermann Winkler préserve Ottavio de toute mièvrerie tant son timbre ingrat et ses gaucheries musicales durcissent ses traits. Fissore assure en Masetto, Kurt Moll, toujours impressionnant, incarne la justice susdite.

Ces dames, quant à elles, combleront les plus exigeants. Après une entrée incertaine, Margaret Price s'affirme comme une de nos très grandes Anna, et ce jusque dans les périls de « Non mi dir ». Lumière du timbre, persuasion de l'accent, contrôle de la ligne, annoncent l'accomplissement de ses gravures avec Solti. Egales qualités rencontrées chez Julia Varady, (Elvira en ces années, Anna en 1985 pour Kubelik) dont les succulentes couleurs mordorées et l'engagement pallient un relatif déficit d'ironie. C'est toutefois Lucia Popp, Zerline à fondre de plaisir, qui hantera nos rêves, tant son ingénuité recèle de promesses ! Don Giovanni ou le triomphe des femmes !

J.C.