CD Harmonia Mundi 902212.13. Notice en français. Distr. Harmonia Mundi.
La version révisée de Castor (1754) a décidément le vent en poupe : peu après les représentations dirigées respectivement par Hervé Niquet (à Paris) et Christophe Rousset (à Toulouse), voilà qu'en paraît une quatrième intégrale en CD - quand la version de 1737 doit toujours se contenter des gravures, il est vrai remarquables, d'Harnoncourt et de Christie. Rappelons que cette seconde mouture, qui omet le Prologue, ajoute un nouvel acte I et fond en un seul les actes III et IV originaux, a pour elle l'efficacité dramatique et la concision, tandis que la première apparaît plus audacieuse et riche de musique.
Raphaël Pichon avait fait un choix semblable pour son Dardanus (version révisée, là aussi, chez Alpha en 2013). Pareillement, il s'arrange ici avec la doxa musicologique : à l'acte V, notamment, il rétablit le beau monologue de Phoebé (sans lequel ce personnage disparaîtrait trop brutalement mais qui, du point de vue structurel, jure avec le long prélude composé en 1754 par Rameau - donné pourtant à sa suite !) mais taille dans le divertissement (exit le « Tendre Amour » de Castor). Mêmes principes que pour Dardanus, donc - et, regrettons-le, peu de progrès depuis... L'orchestre se montre toujours hésitant, parfois passif, trop peu tendu (« Eclatez, mes justes regrets ») voire imprécis (attaque de la Marche de l'acte II) tandis que le chef manque de sens « opératique », échouant notamment à caractériser les nombreuses danses, dont on sait l'importance expressive qu'elles doivent avoir, chez Rameau : est-ce l'absence de rubato, l'uniformité des accents ou la simple timidité qui rendent si peu enjoués les Airs pour les Athlètes et si peu sensuelle la Sarabande d'Hébé ? Chœur juste correct, meilleur côté messieurs (les Démons) que côté dames (les Suivantes d'Hébé).
En ce qui concerne les solistes, on retrouve avec plaisir le juvénile Castor de Colin Ainsworth (déjà présent chez Mallon, Naxos 2003), un peu fragile dans son Ariette de l'acte I mais à la diction impeccable (bien des Français pourraient s'en inspirer !), et une Emmanuelle de Negri qui phrase à ravir, en dépit d'un rôle trop grave pour elle. Son timbre cristallin contraste parfaitement avec le mezzo de Clémentine Margaine, au bas-médium opulent mais à l'émission brouillonne. Bon apport des seconds rôles : Sabine Devieilhe gazouille délicieusement en Suivante d'Hébé et Ombre heureuse, Virgile Ancely campe un Jupiter paternel à souhait et, surtout, Philippe Talbot exécute avec brio la redoutable Ariette de l'Athlète. Reste le rôle principal, dans lequel Florian Sempey, en dépit de son beau timbre, paraît mal à l'aise : chant appliqué, trop souvent forcé, pas toujours très juste (nous sommes en concert), expression bizarrement boudeuse - rien qui attire l'empathie. On conseille à Pichon de s'aguerrir avant d'aborder le polychrome Hippolyte et Aricie...
O.R.