Véronique Gens (Niobe), Jacek Laszczkowski (Anfione), Iestyn Davies (Creonte), Alastair Miles (Poliferno), Delphine Galou (Nerea), Lothar Odinius (Tiberino), Amada Forsythe (Manto), Bruno Taddia (Tiresia), Tim Mead (Clearte), Balthasar-Neumann-Ensemble, dir. Thomas Hengelbrock (live, 2010).
CD Opus Arte OACD9008D. Distr. Distrart Musique.


Septembre 2010. Covent Garden ouvre sa saison en exhumant Niobe, regina di Tebe. Ce devait être un événement, ce fut à peine un succès d'estime dont nous parvient aujourd'hui le seul écho sonore, nous privant du beau spectacle réglé par Lukas Hemleb. Car le son ici ne suffit pas. Hemleb était parvenu à habiller le drame comme la vis comica avec une certaine virtuosité, outre que les décors et les lumières de Raimund Bauer se coulaient impeccablement dans les affects de la musique de Steffani. Sans l'œil, la lecture de Thomas Hengelbrock, peu rompu à la flamboyante italianità de l'œuvre, reste en surface, métrique, placide, guère inspirée, prudente toujours. Il perd ses chanteurs en route. L'Anfione de Jacek Laszczkowski, dès le début : cette voix mal placée, de très petit volume, est littéralement bue par l'orchestre dans « Sfere amiche ». Les autres, si peu soutenus, semblent déchiffrer, en particulier les deux contre-ténors absolument interchangeables : on aurait pu distribuer tout aussi bien Clearte à Iestyn Davies et Creonte à Tim Mead. Alastair Miles rugit son Poliferno sans vraiment y croire, Bruno Taddia apporte enfin une pointe d'italianità avec son Tiresia. Finalement le salut viendra des femmes : Delphine Galou, Nerea pleine d'à propos, tire Steffani vers Monteverdi avec un vrai sens du style ; Amanda Forsythe donne déjà une stature singulière à Manto et à ses troubles amoureux, qu'elle approfondira au studio pour Erato. Et Niobe ? Je n'y attendais pas Véronique Gens. Elle y campe une reine hautaine, inhumaine, une Médée, jusqu'à ce qu'enfin l'émotion la submerge dans son ultime air « Funeste immagini » où elle se pétrifie à mesure. Remarquable, une vraie alternative à la proposition plus dramatique assumée par Karina Gauvin. Mais voilà, l'entreprise de Paul O'Dette et Stephen Stubbs (CD Erato) a révélé l'ouvrage dans toutes ses splendeurs : cette Niobe pionnière n'est déjà plus qu'un document.

J.-C.H.