DVD Opus Arte OA 1128 D. Distr. DistrArt Musique.
Malgré la scénographie somptueuse de la production turinoise - entièrement signée du metteur en scène Hugo de Ana -, impossible de recommander vraiment ce Don Carlo, même dans l'optique d'un classicisme de bon aloi. Car si l'historicisme assumé des costumes, opulents et ouvragés, ainsi que des décors monumentaux, écrasants comme la raison d'Etat, peut servir la part étouffante de l'intrigue et de la cour de Philippe, il est aussi le symptôme d'un univers visuel pensé in abstracto, coupé de toute direction d'acteurs et plus encore de toute adaptation à la distribution. Or ici, non seulement l'Infant de Ramón Vargas avoue un inconfort vocal permanent - arrachant à sa voix, dans l'effort douloureux ou dans la faiblesse détimbrée, ce qui devrait être extase amoureuse ou éclat passionné -, mais son costume - pourpoint bedonnant et culotte bouffante - accuse plus encore l'acteur, l'engonçant en des postures grotesques qu'une présence scénique par le moins encombrée ne peut dépasser.
Autour de ce regret fondamental, les surprises affluent, bonnes ou mauvaises, voire les deux en même temps. Svetlana Kasyan est une Elisabetta au soutien ici précaire, manquant de couleurs, de ligne et surtout d'idée dans un rôle qui semble la dépasser, tandis que Daniela Barcellona dessine une Eboli autrement femme - et autrement maîtresse de ses moyens. Tézier promène son parfait Posa, chant d'école mais impassibilité bien connue aussi, que cette mise en scène ne pousse certes pas en ses retranchements... Quant à Ildar Abdrazakov, il offre une plénitude vocale (à part des graves un peu courts) et une prestance physique presque problématiques : son charisme impose au Carlo de Vargas un rival séduisant bien plus qu'un père souverain. Quant à l'Inquisiteur de Marco Spotti, sa superbe vocale manque d'un rien d'abyme insondable, plus vindicatrice que sépulcrale.
La baguette de Noseda, sans défaut majeur mais sans atmosphère qui parvienne à reprendre la main sur le decorum scénique, laisse se dérouler ce Don Carlo vocalement paradoxal et son théâtre de surface. On passe.
C.C.