Sarah Connolly (Fantasio), Russell Braun (le Prince de Mantoue), Robert Murray (Marinoni), Branda Rae (la Princesse Elsbeth), Victoria Simmonds (Flamel), Brindley Sherrat (le Roi de Bavière), Neal Davies (Sparck), Gavan Ring (Hartmann), Aled Hall (Facio), Orchestra of the Age of Enlightenment, dir. Sir Mark Elder (2014).
CD Opera Rara ORC51. Présentation en anglais et en allemand et livret en français et en anglais. Distr. Harmonia Mundi.

 

Sixième enregistrement de la firme anglaise Opera Rara consacré à Offenbach, après un décevant Vert-Vert et une compilation inégale (« Entre-Nous »), Fantasio renoue avec la qualité qui a placé Robinson Crusoé et le pasticcio Christopher Colombus au premier rang de la discographie offenbachienne.

Il est vrai que Fantasio, malgré un échec cuisant lors de sa création en 1872, est un authentique chef-d'œuvre qui, d'une certaine façon, annonce Les Contes d'Hoffmann. La pièce de Musset, écrite en 1834, adaptée par son frère Paul pour la Comédie-Française en 1866 et pour l'Opéra-Comique en 1872, offre au compositeur la possibilité de renouer avec l'Allemagne de son enfance (l'action se déroule à Munich) et d'exprimer un romantisme que son penchant pour le comique n'est jamais parvenu à occulter tout à fait. Lui qui avait créé avec ses amis une société d'assurances mutuelles contre l'ennui trouve en Fantasio, dont toute la conduite a pour seul but d'échapper au spleen, un héros idéal, a fortiori quand le jeune homme prend la place du bouffon de la cour. Le déguisement, si important dans le répertoire offenbachien, est le ressort principal de l'intrigue puisque le prince de Mantoue, venu à Munich épouser la princesse Elsbeth, la fille du roi de Bavière, échange ses vêtements avec ceux de Marinoni, son aide de camp. Au reste, il n'y a guère d'action dans Fantasio - pièce qui, chez Musset comme chez Offenbach, vaut avant tout pour son atmosphère de rêve éveillé et sa fantaisie teintée d'amertume.

L'œuvre est difficile à monter (Vincent Vittoz, certes, y était brillamment parvenu il y a quinze ans) et nécessite d'être appréhendée avec beaucoup de finesse. On ne peut que louer Mark Elder d'avoir su si bien la comprendre. Sa direction est exemplaire et permet de découvrir une partition passionnante, dans l'édition de Jean-Christophe Keck. Aux côtés de Sarah Connolly plutôt à l'aise dans le rôle-titre (créé en travesti par Célestine Galli-Marié), le reste de la distribution est un peu inégal tout en restant convenable. La seule déception de taille concerne les dialogues parlés qui, du fait de l'accent anglais des chanteurs, sont à peine écoutables. On se demande bien quel a été l'apport d'Agathe Mélinand que le livret d'accompagnement gratifie du titre de « dialogue director ». Ce problème ne saurait être minoré puisque Fantasio est un opéra-comique dont les parties parlées doivent être traitées avec autant de soin et de respect que les parties chantées. Pourquoi ne pas avoir engagé des acteurs francophones ? A cette réserve près, cet enregistrement de Fantasio ne peut que satisfaire la curiosité de tous ceux qui s'intéressent à Offenbach et, plus largement, au répertoire scénique du XIXe siècle.

J.-C.Y.