CD Glossa 923502. Notice et livret en français. Distr. Harmonia Mundi.
Les Surprises de l'Amour par d'Hérin en 2013, Les Fêtes de l'Hymen par Niquet en 2014, aujourd'hui, Les Fêtes de Polymnie : il ne restera bientôt plus aucune « grande œuvre » (en plusieurs actes) de Rameau inédite au disque et on ne s'en plaindra pas ! Pourtant, ici, c'est la déception qui prévaut, même si le défaut majeur de cette lecture est peut-être imputable à (ce qui pourrait passer pour) un détail : le lieu d'exécution et d'enregistrement. Eminemment subtil, raffiné, nuancé, l'art ramiste s'étiole et se déforme dans le vaste espace du Palais des Arts de Budapest, au fond duquel a été relégué un chœur rendu confus par la réverbération et qui pousse les chanteurs à s'époumoner pour exister face un orchestre que le compositeur a voulu haut en couleurs.
Car ces Fêtes, nées en 1745, l'année de Platée, paraissent au moment où, enfin, le Dijonnais voit son talent consacré par l'obtention d'une charge officielle (Compositeur de la Musique de la Chambre du Roy), et ne peuvent donc se départir de sonorités un peu ronflantes, imposées dès le Prologue par le recours aux trompettes. Pour le premier livret qu'il confie à Rameau, Louis de Cahusac surexpose ses qualités (sens du décorum, des « tableaux vivants », du « divertissement d'action », vers admirablement philosophiques : « un bonheur inconnu fait l'objet de mes vœux/je le cherche, il me fuit/et sans lui tout me blesse ») mais aussi ses défauts (action figée, quasi inexistante, personnages trop théoriques). Aussi, des trois entrées qui composent l'ouvrage (en sus du Prologue sous-titré « Le Temple de Mémoire »), seule la dernière, « La Féerie », a vraiment enflammé l'imagination du musicien (admirables ariosos évanescents pour les voix féminines contrastant avec de non moins fortes pages d'orchestre pour les Chasseurs), tandis que « La Fable » (les amours d'Hercule et d'Hébé) tombe dans l'insignifiance et que « L'Histoire » (le sacrifice consenti par Séleucus à son fils Antiochus, sujet d'un futur opéra de Méhul) se fige sous la pompe.
Si l'Orfeo Orchestra (guidé par le premier violon de Simon Standage, aux cors et trompettes impressionnants) ne semble pas en cause, la direction solide mais guère imaginative (une Chaconne bien ennuyeuse au début de la Première Entrée) de György Vashégyi porte en partie la responsabilité de ce manque de flamme. Mais les solistes ne semblent pas plus à l'aise : alors que le baryton chaud et vibrant de Thomas Dolié et le soprano virtuose d'Emoke Baràth tirent leur épingle du jeu, Mathias Vidal s'étrangle désormais (déjà ?) dans les rôles de haute-contre, Aurélia Legay affiche des registres disjoints et un chant plutôt brutal tandis que Véronique Gens elle-même campe une Stratonice emphatique. Encore une fois, les conditions d'enregistrement y sont sans doute pour beaucoup car seul un parfait équilibre acoustique (avec les conditions d'écoute réciproque qu'il permet) peut rendre justice à une musique d'une telle complexité.
O.R.