DVD Sony 88875059359. Distr. Sony.
Quelques jours avant cette captation, c'est Leo Nucci qui incarnait Nabucco sur le plateau du Royal Opera House. Mais c'est avec ce même Nucci que la production de Daniele Abbado avait été filmée à Parme en 2009 (dir. Michele Mariotti, DVD Cmajor) : c'est donc la prise de rôle de Plácido Domingo, cast alternatif et événement attendu, que l'Opéra a immortalisée.
Après Simon Boccanegra ou Rigoletto, voilà donc le ténor septuagénaire confronté à un nouveau rôle de baryton : le Roi de Babylone et son errance mentale. D'emblée s'imposent deux évidences : la couleur n'est certes pas celle d'un baryton Verdi... mais le style l'est assurément ; quant à la présence en scène, elle se raccroche à des postures convenues (que la direction d'acteur sans invention de Daniele Abbado n'affine pas), sans le flamboyant d'autrefois qui pouvait les compenser, mais distille encore un charisme indéniable. Le souffle ou l'endurance ne sont plus ceux des grands jours, mais l'incarnation du roi défait est attachante.
La vraie pépite de cette captation réside plutôt en l'Abigaille de Liudmyla Monastyrska : long soprano impérieux, tranchant et profond, son métal est conduit avec une maîtrise impressionnante sachant aussi le chant sur le fil - un art complet qui est en soi incarnation du personnage, de sa dévorante ambition et de sa souffrance intérieure. Autour d'eux et sous la baguette fiévreuse de Nicola Luisotti, Vitalij Kowaljow est un Zaccaria vaillant et jeune encore - mais manquant un peu de profondeur -, quand Fenena et Ismaele restent trop conventionnels.
De la mise en scène de Daniele Abbado, on retiendra quelques belles images, à commencer par cette scénographie de monolithes bruts, suffisamment épurée pour que l'imaginaire y voie autant une cité antique qu'un empire urbain. Mais si le « Va, pensiero », joliment ému, joue de la même sobriété intense, le reste de la mise en scène (mixant aussi les époques du côté des costumes) et de la direction d'acteurs (souvent passive) n'emporte pas l'adhésion. Pour Monarstyrska, et - par affection - pour documenter l'inépuisable Domingo.
C.C.