DVD Bel Air Classiques BAC 104. Distr. Harmonia Mundi.
Pour cet Aida de l'été 2013, qui fêtait le centenaire du Festival de Vérone - inauguré avec Aida justement, devenu un incontournable absolu de la programmation (annuel, en fait) -, n'attendez pas le niveau des versions historiques locales documentées seulement par la légende, non plus que celui des premières captations avec Bergonzi ou Gencer par exemple... C'est le courant d'aujourd'hui qu'on propose ici : des voix honnêtes, dont le meilleur s'inscrit avec l'évidence d'un plaisir réel à entendre la belle héroïne de Hui He, capable d'investissement, de nuances, de piani flottants, sinon d'expression mémorable et de fascination de l'instant... Mais au moins ses deux grands airs, comme ses interventions dans les duos, sont-ils de très beaux, de vrais moments de chant verdien, et font l'intérêt premier du DVD. On n'en trouvera pas tant avec le Radamès de Fabio Sartori, au chant brut de décoffrage, sans nuance autre que le forte et au physique aussi impossible que celui de Pavarotti, tout aussi fruste de jeu - mais qui plus est sans un soupçon d'élégance. Avec l'Amnéris sans splendeur (le timbre gris fait vieillot), mais aussi sans excès d'histrionisme de Giovanna Casolla, avec le Ramfis au grave peu profond d'Adrian Sampetrean, avec le Roi de Roberto Tagliavini mieux doté en couleurs et profondeur, avec enfin l'Amonasro d'Ambrogio Maestri plus que convenable mais tellement routinier, c'est plutôt vers le chef qu'il faut aller chercher l'authenticité, l'esprit, la vivacité qui portent fort bien les ballets et animent la partition de l'émotion requise plus que du clinquant trop souvent entendu.
Reste donc le côté visuel, qui faisait à l'occasion figure d'événement, Vérone tentant ici de dire adieu au carton pâte égyptiano-opératique qui y est de tradition, en faisant appel à La Fura dels Baus, Comme souvent avec le collectif catalan, le spectaculaire l'emporte sur le détail intimiste. La direction d'acteurs reste fort sommaire et la caméra, qui s'obstine par ailleurs, à grand renfort de travelings aériens sans intérêt, à survoler les arènes plongées dans le noir, en montre les faiblesses avec des plans rapprochés d'une médiocrité fondamentale. Reste donc une Egypte d'heroic-fantasy, souvent maladroite et bien peu porteuse d'émotion. Dans le jour qui s'éteint, c'est peu évocateur. La nuit tombée, la magie lumineuse fait un moment son effet, faisant disparaître les deux grues d'un chantier de fouilles bien prosaïque et les fameux gradins dans les projections d'un désert de sable plein d'onirisme, qui inscrit les ballets du temple de Ptah comme de beaux moments esthétisants, loin des tristes chorégraphies à jupettes qu'on croise usuellement. Cela ne durera pas, entre la tente d'Amnéris bien pauvre, et le Triomphe, plus amusant par ses automates zoomorphes que par son traitement des rapports humains et des mouvements de foule. Même si l'acte du Nil, avec son lac d'eau et ses palmes artificielles, porte plus à l'imagination fertile et à une certaine forme de poésie, en phase avec la partition, l'œil cherchera longtemps l'intérêt. Bref, voilà une version vidéo d'Aida de plus, qui restera juste pour information d'un moment peu brillant des Arènes.
P.F.