DVD Alpha 704. Distr. Outhere.
On aurait aimé s'enthousiasmer pour une nouvelle Didon filmée : la vidéographie de l'ouvrage est maigre et frustrante, à l'exception de la belle réussite captée à l'Opéra-Comique en 2008 (Christie/Warner, DVD FRA) - les versions « de chorégraphes », Sasha Waltz ou Wayne McGregor, restant plus intéressantes que réellement convaincantes. Mais ici l'alchimie ne prend pas, et de beaucoup.
Non que le projet n'ait été pensé en équipe : à l'imaginaire coloré et fantaisiste de la scénographie, un rien orientalisante, répond la recherche de Vincent Dumestre, à la tête du Poème Harmonique, de sonorités chatoyantes et délicates, de rythmiques voyageuses regardant même du côté de l'arabo-andalou. A la place visuelle accordée à la danse (versant acrobatique), le chœur (excellent Accentus) étant pour sa part relégué en fosse, répond aussi le développement de pièces orchestrales libres, et parfois de chaconnes semblant se dérouler et s'auto-générer comme le fil des songes. Mais à l'image le fossé entre l'intention et la réalisation crève le regard : la féerie naïve accuse son factice (les voilages pour figurer la mer, les rochers de carton-pâte) sans le poétiser, les effets dévoilent leurs limites (les Sirènes-Sorcières battent de la queue bien pauvrement), les costumes révèlent en gros plans des matériaux franchement laids. Involontairement kitsch, cet univers - entièrement signé par les deux metteurs en scène Cécile Roussat et Julien Lubek - ne permet ni l'émotion dramatique, ni l'émerveillement fantastique.
Si la lecture de Dumestre impose de vrais choix, sa Didon n'est hélas pas la Reine de Carthage (et du lamento) attendue. Dès son premier air « Ah, Belinda ! », Vivica Genaux agresse l'oreille : un vibrato trémulant, un timbre fabriqué et peu séduisant - à la fois nasal et laryngé -, des problèmes de justesse et de souffle (c'est dire qu'elle n'est pas ici dans son emploi !) rendent son chant fort désagréable. Sa mort - « When I am laid » miaulé, trafiqué de son en son ! - est un ratage attristant voire scandaleux. En comparaison, Ana Quintans (Belinda) est un modèle d'émission saine et d'incarnation touchante. Enée correct, Enchanteresse parfaitement méchante et grotesque - au sens premier du terme -, dans sa version « baryton léger déjanté » par Marc Mauillon. Mais sans Didon ni poésie scénique, que leur, que nous reste-t-il ?
C.C.