DG 479 3969. Distr. Universal.
Anna Netrebko sur scène ou en concert depuis quelques années, une production madrilène de Peter Sellars qu'on verra bientôt à Aix-en-Provence, le Palais Garnier en 2016 : l'heure de Iolanta, le bref et dernier opéra de Tchaïkovski, pourtant si peu théâtral, aurait-elle sonné ? Il est vrai que cette histoire de jeune fille recouvrant la vue à la faveur de l'amour a de quoi séduire les amateurs de symboles et de psychanalyse...
Parfois contestable dans d'autres répertoires, la soprano russe chante ici dans son idiome et y est superbe : la voix, à son zénith, s'épanouit pleinement, d'un bout à l'autre de la tessiture, l'interprète donne une leçon de générosité, tout à fait identifiée à cette héroïne qui s'ouvre à l'amour et à la vie. C'est Netrebko au sommet, éclipsant ses rivales, peut-être même l'excellente Gorchakova chez Gergiev - Vichnievskaya, pour laquelle on garde une tendresse, a abordé le rôle sur le tard, comme Gedda. Mais celui-ci, malgré les années, gardait une classe que n'a pas vraiment Sergey Skorokhodov : un ténor plutôt central, à l'aigu laborieux et nasal, ni très raffiné ni très souple, seulement solide, très solide. Son ami Robert, en revanche, porte beau grâce au baryton superbement timbré d'Alexey Markov, auquel n'a rien à envier l'Ibn-Hakia nuancé de Lucas Mechaem, le médecin maure qui guérit Iolanta. Son père, le roi René de Vitalij Kowalow, se situe un cran en dessous : un monarque noble, mais un peu chenu et charbonneux.
Cela dit, tous ces défauts passent mieux que la direction d'Emmanuel Villaume, lourde et pâteuse, qui n'avance pas et ne rend guère justice aux raffinements de l'orchestre de Tchaïkovski - la phalange slovène est aussi très moyenne. Dans la salle, cela fonctionnait, comme en a témoigné le concert de Pleyel donné à quelques jours d'intervalle de l'enregistrement : chez soi, malgré la captation live, c'est autre chose. Bref, Iolanta attend toujours sa référence. Pour la Netrebko avant tout.
D.V.M.