Magda Olivero (Adriana), Juan Oncina (Maurizio), Adriana Lazzarini (la Princesse de Bouillon), Sesto Bruscantini (Michonnet), Enrico Campi (le Prince de Bouillon), Piero di Palma (l'Abbé de Chazeuil), Chœur et Orchestre du San Carlo de Naples, dir. Oliviero de Fabritiis (Edimbourg, live 27 août 1963).
CD Testament SBT2 1501. Distr. NewartsInt / Socadisc.

Août 1963 : le Festival d'Edimbourg accueille le San Carlo de Naples, Renata Tebaldi est annoncée en Adriana Lecouvreur mais au dernier moment Magda Olivero la remplace, comme elle l'avait déjà fait en 1959 lors de la création de cette production et alors même qu'elle relevait d'une périlleuse opération chirurgicale - la bande de cette soirée historique, où le Maurizio de Franco Corelli et le Michonnet d'Ettore Bastianini n'avaient d'yeux que pour elle, a fait le tour du monde : Adriana serait pour l'éternité Magda Olivero, seules Renata Scotto puis Margaret Price purent tenter de lui ravir le rôle. La BBC avait placé ses micros pour Tebaldi, heureusement elle capta tout de même Olivero.

En 1963, l'actrice est toujours aussi prodigieuse - la récitation de Phèdre donne le frisson - même si la chanteuse souffre parfois, timbre émacié, justesse de l'aigu conquise de haute lutte ; mais rien n'y fait, elle est tellement Adriana qu'on rend les armes. Avec cela une pertinence absolue dans l'appréciation du style si particulier de Cilea, qui fait flamboyer le vérisme tardif en le mêlant à un art de la conversation que le compositeur de L'Arlesiana déduira de Richard Strauss et partagera avec Ermano Wolf-Ferrari.

La soirée écossaise est précieuse à plus d'un titre. Pour la direction incandescente de De Fabritiis d'abord, dramatique, tendue, qui propose une alternative cinglante au décor très « grand opéra » qu'y déployait Mario Rossi, et pour les comprimari. Juan Oncina chante plus stylé que Franco Corelli et, du coup, compose un personnage autrement subtil. Si Olivero se mesurait durant la soirée napolitaine à la Princesse de Bouillon « furioso » de Giulietta Simionato, Adriana Lazzarini lui offre une rivale plus noble à Edimbourg et ajoute un rôle à la galerie de portraits qu'elle composa toujours avec l'art que l'on sait. Mais la voix se dérobe parfois. Qu'importe, elle se surpasse dans l'incarnation. Sesto Bruscantini, Michonnet décidément paternel, di Palma prodigieux Abbé de Chazeuil, tous délivrent une soirée flamboyante qui, publiée enfin d'après les bandes originales, rejoint l'écho de la captation napolitaine de 1959 au firmament des huit Adriana que nous aura léguées Magda Olivero. On ne pouvait rêver plus juste hommage à celle qui nous a quittés le 8 septembre dernier dans sa cent-quatrième année.

J.-C.H.