CD Oehms Classics OC 946. Distr. Outhere.
Outre les extraits de Tristan et Isolde enregistrés en 2004 avec l'Orchestre de la radio viennoise, le legs wagnérien de Bertrand de Billy se résumait jusqu'à présent aux DVD du Ring et de Tristan filmés au Liceu de Barcelone. Ce nouveau Lohengrin fait écho aux représentations qu'il dirigea à l'Opéra de Francfort (dans une mise en scène de Jens-Daniel Herzog) au printemps 2013, année où il fut d'ailleurs nommé premier chef invité de l'institution.
Affrontant une rude concurrence, de Billy et sa phalange ne sauraient évidemment rivaliser en splendeur avec les Wiener Philarmoniker (Kempe-1964 et Abbado-1990) ou l'orchestre du Festival de Bayreuth (Cluytens-1958), dont les versions demeurent des références absolues. Dès le prélude, on comprend vite, par exemple, que les cordes ne possèdent pas le brillant qui peut conférer à cette musique le caractère éthéré que Baudelaire a si bien décrit. À défaut de se retrouver à la tête d'une formation exceptionnelle, de Billy propose en revanche une lecture excitante, dont la tension dramatique ne se relâche jamais et qui confère à l'œuvre une grande vérité théâtrale. Si l'on perd en pur plaisir hédoniste, on gagne ici une efficacité dramatique tout à fait remarquable.
Face aux grands titulaires actuels du rôle-titre - Jonas Kaufmann et Klaus Florian Vogt -, Michael König est un Chevalier au cygne d'une grande probité musicale, à la vaillance quasi sans faille jusqu'à la fin du troisième acte et dont le timbre un peu nasal n'est pas sans rappeler parfois celui de Ben Heppner, avec un côté plus mat. Il forme un couple bien assorti avec Camilla Nylund, Elsa frémissante de féminité et à la belle assurance vocale. Les choses se gâtent malheureusement avec les personnages maléfiques. Déjà connue par le DVD du Lohengrin munichois dirigé par Nagano, l'Ortrud de Michaela Schuster est fière et dominatrice à souhait, mais ne saurait compenser par la force de son incarnation une voix instable que les imprécations du deuxième acte poussent à son extrême limite. Robert Hayward, affligé d'un vibrato assez gênant, est un Telramund le plus souvent braillard que l'on s'empressera d'oublier. Après avoir interprété Telramund dans les versions Barenboim (1998) et Bychkov (2009), Falk Struckmann ne possède pas vraiment la couleur de basse que l'on associe au roi Henri, auquel il prête en outre des accents par trop plébéiens, au contraire du Héraut bien chantant de Daniel Schmutzhard. Globalement satisfaisante, cette version augure d'une belle collaboration entre Bertand de Billy et l'Opéra de Francfort, où les techniciens de Oehms auront peut-être la bonne idée d'installer à nouveau leurs micros pour capter le Parsifal que le chef y dirigera au printemps 2015.
L.B.