Ailish Tynan (la Mariée, la Femme, la Mère), Anna Stéphany (la Fille), Andrew Tortise (l'Amant, l'Ami, le Prédicateur), Owen Gilhooly (le Marié, le Mari, le Père), Jonathan Lemalu (le Docteur, le Policier, l'Etranger). BBC Singers et BBC Symphony Orchestra, dir. Martin Brabbins (2008).
CD NMC Records D196. Distr. DistrArt Musique.

Davantage qu'un opéra au sens courant du terme, The Vanishing Bridegroom est un assemblage de trois contes musicaux empruntés à un recueil écossais du dix-neuvième siècle, ayant comme point commun narratif la disparition de trois jeunes ou futurs maris. Les trois actes ainsi constitués sans véritable interaction ni même continuité dramatique bénéficient cependant d'une manifeste homogénéité musicale, renforcée par la permanence des chanteurs principaux, amenés à endosser successivement plusieurs rôles.

Dans L'Héritage, il est question d'un Docteur amené à raconter à trois frères, pour démasquer celui d'entre eux qui a dérobé l'héritage légué par un père tout juste décédé - la parabole d'un mariage arrangé. La seule voix féminine de ce premier acte est justement celle qui l'illumine : la soprano Ailish Tynan concilie la limpidité et la douceur à une densité parfaitement adaptée à l'orchestration de Judith Weir, colorée mais pas clinquante, parfois traversée par de fugaces élans romantiques, et ici restituée par Martin Brabbins avec une netteté qui jamais ne l'assèche. À la clarté tendue du baryton Owen Gilhooly (plus nuancé dans l'acte II, La Disparition), à l'assurance presque débordante du baryton-basse Jonathan Lemalu, on préfère l'agilité et la finesse d'Andrew Tortise, qualités mieux révélées encore par les actes suivants et que l'on serait tenté, sous l'influence probable de Peter Pears, de prendre pour typiques des ténors britanniques.

Après un extatique et scintillant prélude orchestral figurant une colline mystérieuse et magique, l'acte II s'avère plus épuré en raison d'une écriture à tendance hétérophonique. Émergeant d'un chœur - ingrédient important de cette œuvre et rendu remarquablement homogène par les BBC Singers -, c'est encore la voix d'Ailish Tynan qui domine cet épisode, de même que la soprano Anna Stéphany rayonne dans l'acte final (L'Etranger), même si le Prédicateur d'Andrew Tortise y est véritablement charismatique. L'apparente spontanéité de cette musique opère un charme direct et donne quelques indices, discrets, du goût de Judith Weir pour les traditions musicales de son Écosse natale. À défaut d'une grande intensité dramaturgique, cet opéra bénéficie d'une dynamique musicale efficace et d'un discours séduisant.

P.R.