Melanie Hirsch (Pomona), Doerthe Maria Sandmann (Flora), Olivia Vermeulen (Ceres), Magdalene Harer (Vertumnus), Julian Podger (Mercurius), Knut Schoch (Zephyrus), Jan Kobow (Jupiter, Jasion), Raimonds Spogis (Bacchus), Jörg Gottschick (Vulcanus), Capella Orlandi Bremen, dir. Thomas Ihlenfeldt (2010).
CPO 777 659-2. Notice en anglais. Distr. DistrArt Musique.


Entre 1693 et 1718, Reinhard Keiser (1674-1739) compose près d'une trentaine d'opéras, d'abord pour la cour de Brunswick puis pour la salle du Marché aux oies de Hambourg - premier théâtre public d'Allemagne (où Händel et Telemann font aussi leurs débuts), dont il assure la direction entre 1703 et 1709. Mais, faute de capitaux, la scène hambourgeoise ferme ses portes et Keiser doit chercher fortune ailleurs, notamment auprès de Frédéric IV de Danemark, dont il sera nommé maître de chapelle au milieu des années 1720.

Pomona s'inscrit dans cette quête d'un poste officiel, dont on constate qu'elle a débuté fort tôt dans la carrière du compositeur puisque ce premier des quatre ouvrages dédiés à la cour danoise date de 1702. Tantôt qualifié d'operetta, tantôt de singspiel, il s'agit en fait d'une sorte de sérénade - mais destinée à la scène hambourgeoise - en un seul acte, dix-huit scènes et langue allemande : encouragées par Mercure, les Saisons (représentées par leurs divinités tutélaires Flore, Cérès, Pomone et Vulcain) s'y disputent la prééminence, jusqu'à ce que Jupiter privilégie la « fructueuse » Automne (Pomone, identifiée à la reine de Danemark, déjà trois fois mère). Pas d'action ou presque, mais beaucoup d'images et pas mal d'humour que Keiser illustre au fil d'une bonne quarantaine d'airs (pas tous da capo), ensembles (dont de ravissants duos) et danses. Le style est tonique, coloré (importants rôles confiés au basson et, surtout, aux hautbois), mais un peu sec et anguleux, le sujet se prêtant peu à l'effusion, si ce n'est dans l'aria « Ihr seid's allein », accompagnée d'un émouvant violoncelle.

Discrètement réverbérée, la toute petite Capella Orlandi - une « voix » par partie, soit moins de dix instrumentistes ! - ne manque ni de précision, ni de virtuosité mais parfois d'expressivité et de verve (entrée de Bacchus ; « Rühmet ihr Himmel » de Pomone). La distribution compte de très bons éléments, parmi lesquels la soyeuse Pomone de Melanie Hirsch (soprano), aussi convaincante dans la pyrotechnie que dans la pastorale, la virtuose Cérès d'Olivia Vermeulen (mezzo) ainsi qu'un Jan Kobow (ténor) toujours éloquent dans son double rôle - et d'autres moins bien choisis (une Flore assez crispée, un Zéphyr essoufflé). A ranger aux côtés de l'Adonis soigné mais inégal déjà gravé en 1999 par Thomas Ihlenfeldt chez le même CPO, défricheur infatigable...

O.R.