Sony 88843040109. Distr. Sony.
Dès l'Ouverture, la direction de Thomas Hengelbrock témoigne d'une âpre et vigoureuse noirceur, que ne relaie hélas pas la scénographie de la production : le décor ouvert et minimaliste (Johannes Leiacker), les costumes contemporains (Florence von Gerkan) ont une modernité d'esprit que la direction d'acteurs affûtée de Philipp Himmelmann habite, certes, mais aussi une forme de banalité quotidienne qui à aucun moment n'impose la part métaphysique - et, à tout le moins, fascinante - du drame. Pourtant le giocoso est bien là : on salue l'humour grinçant des rapports entre Don Giovanni et Leporello, d'autant que le premier est servi par un Erwin Schrott qui joue à plein la carte de son sex-appeal quand le second est un Luca Pisaroni (chant souverain !) enlaidi à loisir. Mais le drame peine à se nouer vraiment - d'autant qu'on n'a jamais réussi à succomber à la mode d'une première scène où le viol incognito se mue en querelle d'amants... La Netrebko, en nuisette rose bonbon, peaufine encore sa Donna Anna déchirée - mais, décidément, quel chant peu mozartien et quelle justesse peu idéale : le Sextuor « Mille torbidi pensieri » laisse perplexe l'oreille attentive... Son Ottavio est un Castronovo très élégant, mais toujours un peu extérieur. Malena Ernman dessine une Elvira poussée au bord de l'égarement - la voix en souffre quelque peu. Zerline pimpante et entreprenante, Masetto quelque peu laborieux, Commandeur sans envergure (mais la mise en scène ne lui en accorde pas) : un Don Giovanni de plus qui, de la salle, avait peut-être l'électricité qu'une équipe jeune et vive lui insufflait à l'évidence, mais d'où n'émane, en vidéo, aucune fièvre théâtrale.
C.C.