CPO 777 806-2. Notice en anglais. Distr. DistrArt Musique.
Quel dommage que Tisbe soit l'unique opéra de Giuseppe Antonio Brescianello (1690-1758) ! Et dire que ce joyau, qui transpose l'ovidienne aventure de Pyrame et Thisbé (notamment rapportée par Shakespeare, de façon humoristique, dans Le Songe d'une nuit d'été) dans l'univers arcadien, n'a sans doute jamais été entendu du vivant du compositeur ! Né à Bologne, en partie formé à Venise, Brescianello est engagé comme violoniste par l'Electeur de Bavière, avant de devenir maître des concerts (puis de chapelle) à la cour de Stuttgart où il restera jusqu'à sa mort, préparant la voie à Jommelli et se heurtant à la rivalité de Keiser. En son temps, les finances du duc de Würtemberg ne semblent pas avoir été très florissantes (sa troupe d'opéra est même dissoute en 1738) et Tisbe, composé « dans le goût théâtral » pour l'Opéra de Stuttgart vers 1717-1718 ne fut donc pas même représenté.
Si le livret, signé du lettré Pier Jacopo Martello (inventeur du vers « martelliano », l'équivalent de l'alexandrin), ne présente guère d'intérêt, la musique de Brescianello apparaît, elle, passionnante : fort proche de celle de Haendel (au point qu'on croie souvent entendre une œuvre méconnue du Saxon), elle se distingue par son mélodisme inépuisable, mêle le goût français pour les danses (les airs da capo parodiant gavotte, bourrée, menuet et musette) au lyrisme de Scarlatti (la sicilienne finale) et au pathos de Vivaldi (hypnotique ostinato du dernier air de Piramo), tout en développant avec éloquence l'accompagnement orchestral (ébouriffant violon solo de « Fiero Leon », flûtes gazouillantes de « V'era augeletto », volubile violoncelle de « Come al nido », cors et trio hautbois / basson des chœurs).
A la tête d'un orchestre équilibré et d'un continuo disert, Jörg Halubek sert avec un tact, une finesse et un instinct sans faille une partition dont il préfère souligner le caractère aimable et pastoral plutôt que les côtés sombres (notons qu'ici, finalement, Pyrame se rate en tentant de se tuer et que tout finit bien...). La distribution vocale gère plus ou moins bien la captation « sur le vif » : l'excellente basse Bellotto paraît intimidée tandis que le contre-ténor Ferri-Benedetti, bien plus à l'aise ici, dans une tessiture d'alto, qu'il ne le sera un an plus tard dans la partie tendue de Publio (La clemenza di Tito de Gluck, chez DHM), s'amuse à jouer les bergères délurées. Le couple principal n'est certes pas des plus assortis - une soprano corsée, à la voix parfaitement timbrée mais à la raideur parfois un peu germanique, avec un ténor éthéré et timide, dont l'émission se réfugie trop souvent dans le nez - mais il sait néanmoins tirer parti des impulsions du chef. Une ravissante découverte qui s'écoute d'une traite !
O.R.