Erato. Distr. Warner Music.
Cette seconde intégrale d'Hippolyte en DVD nous parvient quelques mois après la version de Glyndebourne (Opus Arte), bien qu'elle ait été enregistrée l'année d'avant. On y retrouve un certain nombre des solistes qui faisaient le prix de la lecture de Christie, à commencer par deux superbes têtes d'affiche, Sarah Connolly et Stéphane Degout - elle encore supérieure ici, en termes de projection, de présence et de férocité (surtout à l'acte I), lui légèrement moins précis, parfois fatigué (il transpose toujours les mêmes notes graves) sans cesser d'être émouvant, imposant et bien chantant. Retour aussi de l'excellent François Lis dans deux des trois rôles divins tenus chez Christie et du luxueux Arcas d'Aimery Lefèvre. Si la Diane d'Andrea Hill, puissante mais un peu lourde, ne vaut pas celle de Katherine Watson, l'Amour (et le Rossignol) étincelant et fruité de Jaël Azzaretti constitue l'un des meilleurs atouts de cette version. Côté rôles-titres, Topi Lehtipuu campe un Hippolyte suave, aux belles demi-teintes, moins viril et incarné que celui d'Ed Lyon, tandis qu'à nouveau Aricie apparaît mal distribuée, Anne-Catherine Gillet décevant par une voix trop haut placée et nerveuse, poussée dans ses retranchements par un rôle central. Direction décevante aussi, univoque et littérale, privée de sensibilité et de nuances d'une Emmanuelle Haïm à laquelle on préfère encore son mentor, en dépit de ses maniérismes - les ensembles, chœur et orchestre, faisant alterner efficacité et indifférence.
La mise en scène d'Ivan Alexandre se situe aux antipodes de celle de Jonathan Kent. Sans tomber dans les outrances de la reconstitution (ouf, pas d'éclairage à la bougie), elle fait appel à tous les fastes du baroque à travers les décors somptueux et ludiques d'Antoine Fontaine évoquant ceux de Servandoni ou les prisons de Piranese, et les costumes peut-être encore plus réussis de Jean-Daniel Vuillermoz, avec leurs camaïeux patinés, caparaçonnés pour les hommes, vaporeux pour les femmes. Le jeu avec les toiles peintes, portants et, surtout, machines (chaque dieu a la sienne - devinez qui a la plus grosse ?) introduit une note d'humour que tient tout au long du spectacle un Amour facétieux, transformé en mouche du coche. Mais Alexandre a surtout voulu rendre sa dignité tragique à l'œuvre - traitée par son rival immédiat comme un grand fourre-tout bidonnant -, veillant à ce que les échanges entre les personnages ne se départissent jamais de la réserve exigée par leur stature héroïque (frontalité revendiquée), faisant en sorte d'étouffer les individus (presque jamais seuls) sous la lourdeur faussement festive du protocole ou les noyant dans un univers aussi changeant que cauchemardesque (le jubé des Enfers d'où pendent, tête en bas, des Parques-chauve-souris). Une lecture qui concilie (trop ?) intelligemment les mondes de la fête courtoise et de la tragédie.
O.R.