Delphine Galou (Venere), Veronica Cangemi (Diana), Ruxandra Donose (Giove), Franco Fagioli (Apollo), Carlos Mena (Marte), Daniel Behle (Mercurio), Luca Tittoto (Saturno), La Cetra Barockorchester & Vokalensemble Basel, dir. Andrea Marcon (2014).
CD Archiv. Distr. Universal.


Né à Venise en 1671, disparu à Vienne en 1736, Antonio Caldara connut une existence longue dont le riche héritage (environ 3000 œuvres, dont 85 opéras !) témoigne du changement de style intervenu entre l'école vénitienne du Seicento et l'écriture plus « internationale » du siècle suivant. Le monsieur était tenace et, malgré divers refus, n'eut de cesse de se faire engager à la cour impériale, poursuivant même le futur empereur, le mélomane Charles VI, jusqu'en Espagne - ce dont témoignait l'enregistrement de la vaste sérénade Il più bel nome par Emilio Moreno (Glossa, 2010). Il parvint à ses fins en 1716 mais dut jusqu'à sa mort se contenter du poste de vice-maître de la chapelle impériale, placé sous l'autorité d'un Johann Joseph Fux pourtant moitié moins payé. Car chaque commande officielle (destinée à orner tantôt l'anniversaire du souverain, tantôt sa fête, tantôt ceux de son épouse, tantôt la signature d'un traité ou telle naissance illustre) donnait lieu à une gratification - or, durant vingt ans, Caldara produisit jusqu'à six ouvrages par an !

Toutes ces partitions, on s'en doute, ne sont pas inoubliables - avouons avoir été peu marqué par cette Concorde des planètes, « componimento teatrale » écrit en 1723 pour fêter le couronnement de Charles VI en tant que roi de Bohême. A son habitude, le librettiste Pariati (déjà l'auteur d'Il più bel nome ou de la Dafne in lauro de Fux) signe un livret melliflu mais statique, au fil duquel Vénus, Mercure, Diane, Saturne, Mars, Apollon et Jupiter, d'abord dubitatifs, en viennent à considérer « Elisa » (l'impératrice Elisabeth, alors enceinte) comme l'égale des divinités célestes. Après une pompeuse ouverture enchaînée à un fort bel ensemble inaugural, la quinzaine d'arias, plus habiles que mémorables, se distingue par de fréquents recours aux effets polychoraux ou aux soli rhétoriques (deux hautbois et basson pour Jupiter, inévitable trompette pour Mars).

L'orchestre ici réuni par Marcon y déploie de magnifiques sonorités, jouant tantôt d'un flatteur rubato (premier air d'Apollon), tantôt d'une fougue légèrement précipitée (air initial de Mercure). Si l'on excepte le soprano toujours aussi rêche et serré de Cangemi, la distribution vocale apparaît glorieuse, Fagioli reprenant avec son nerf coutumier un rôle écrit pour Carestini tandis que Galou et Mena nous troublent par leur formidable androgynie (qui est la dame et qui est le monsieur ? essayez de répondre sans tricher !). Une lecture haute en couleurs d'une œuvre mineure...

O.R.