CD NMC D200. Distr. DistrArt Musique.
Lors d'une fête à la cour du roi Arthur, un mystérieux Chevalier Vert fait irruption et propose un jeu : quiconque le désire peut, sans résistance de sa part, lui trancher la tête à la hache, mais devra accepter de subir un an et un jour plus tard le même sort. Parmi les chevaliers présents, seul Gauvain accepte de relever le défi. Mais à la stupeur générale, le visiteur à peine décapité ramasse sa tête puis, après avoir rappelé Gauvain à son contrat et lui avoir donné rendez-vous, prend congé. Condensé par David Harsent en un livret efficace, ce poème en vers du XIVe siècle déroule un fil narratif tout en suggérant, via les affects codifiés de la chevalerie, une certaine neutralisation psychologique des personnages.
Bien que précédé par plusieurs ouvrages scéniques dont, entre autres, le remarquable Punch and Judy de 1968 et le complexe Mask of Orpheus, Gawain (1991) est le premier à être désigné par Harrison Birtwistle comme un « opéra ». En apparence plus linéaire, le récit, porté par un texte riche en symboles et effets de miroirs - mais malheureusement non traduit ici - recèle une double structure en spirale, exploitée musicalement. Les scènes de séduction de l'acte II, où Lady de Hautdésert - dont Anne Howells fait le personnage le plus vibrant de l'opéra - tente en vain de faire céder Gauvain mais réussit à lui faire prendre une ceinture magique, renvoient au cycle des saisons qui rythme, à l'acte I, la préparation de Gauvain à son périlleux voyage.
François Le Roux, dont on appréciera la très bonne diction, campe un Gauvain généreux mais jamais débordant, que l'air final de l'épilogue, sommet expressif de l'opéra, montre en équilibre précaire entre règle chevaleresque et humanité. Le double rôle tenu avec beaucoup d'aplomb par John Tomlinson, un Chevalier Vert hiératique masquant un Bertilak de Hautdésert fragilisé par l'attitude de son épouse envers Gauvain, est tout aussi riche. On pourra reprocher à Marie Angel une légère crispation du vibrato, qui sied cependant plutôt bien à la dimension surnaturelle de Morgane et à l'emprise de sa magie sur Gauvain.
La musique de Birtwistle, toujours sous tension et non dénuée d'une certaine astringence, est brillante, remarquablement homogène et scéniquement porteuse. Sans en gommer les pointes expressionnistes, Elgar Howarth préserve toujours la clarté de l'orchestration.
P.R.