Decca 0289 478 6768 5. Distr. Universal.
Coproducteur, metteur en scène et rôle-titre du spectacle (qui vient d'être donné à Versailles), Max Emanuel Cencic manifeste sur tous les plans son enthousiasme pour ce Siroe. On peut cependant regretter qu'il en ait choisi l'assez médiocre révision de 1763, donnée à Dresde peu avant la mort de l'électeur Frédéric Auguste et l'abrupt licenciement de Hasse, plutôt que la mouture d'origine, créée trente ans plus tôt à Venise avec Farinelli (Siroe), Caffarelli (Medarse) et Tesi (Emira) ! Il est vrai que, dans son intégralité, cette première version dure plus de quatre heures et s'avère passablement inchantable... La révision ne réduit pas seulement le nombre d'airs mais, surtout, simplifie et rend finalement banale l'une des intrigues les plus ludiques de Métastase, la seule qu'il ait écrite pour la Cité des doges (où elle paraît d'abord en 1726, dotée d'une musique de Vinci).
Pour nourrir la mouture dresdoise laissée inachevée par Hasse, Petrou ajoute un accompagnato issu du beau Siroe de Haendel (1728) et deux morceaux dus l'un à Hasse lui-même, l'autre à Graun. Le reste de la partition consiste en une enfilade d'arias décoratives, réparties entre six rôles interchangeables (4 sopranos, 1 alto, 1 ténor). Bizarrement, ce sont désormais les deux figures, secondaires chez Métastase, de Laodice, l'amante vindicative, et Medarse, le frère jaloux du héros, qui dominent la partition - laquelle culmine dans l'extraordinaire « Tu decidi del mio fato » (air absent du livret original, dont la ritournelle avec flûte sert ensuite à soutenir un monologue de Cosroe !).
Lezhneva et Fagioli prêtent à ces deux « vilains » leur étourdissante, transcendante virtuosité, sans beaucoup se préoccuper du texte. Le couple composé par Cencic et Nesi s'avère moins brillant mais plus expressif que son rival, tandis que, dans le rôle presque superflu (mais doté ici de trois airs) d'Arasse, une nouvelle venue, Lauren Snouffer, se distingue par son émouvant phrasé, entaché de quelques aigus acides. La partie cruciale du roi de Perse Cosroe bénéficie d'abord de la fougue d'un Sancho qui, hélas, abuse des sons poussés et pincés dans son air principal, « Gelido in ogni vena » (mieux connu dans la mise en musique de Vivaldi). Direction vivante, vigoureuse, à la respiration naturelle de Petrou qui, comme toujours, ne s'embarrasse guère des détails. Tout cela coule et séduit sans beaucoup bouleverser...
O.R.