Julie Fuchs (Ciboulette), Jean-François Lapointe (Duparquet), Julien Behr (Antonin), Eva Ganizate (Zénobie), Ronan Debois (Roger), Cécile Achille (Françoise), Jean-Claude Sarragosse (M. Grenu), Guillemette Laurens (Mme Grenu), Patrick Kabongo Mubenga (Auguste & Victor), François Rougier (le Patron & le Maire), Safir Behloul (Grisard), Bernadette Lafont (Mme Pingret), Michel Fau (la Comtesse de Castiglione), Jérôme Deschamps (le Directeur d'opéra), Chœur Accentus, Orchestre symphonique de l'Opéra de Toulon, dir. Laurence Equilbey, mise en scène : Michel Fau (Opéra-Comique, 2013).
DVD FRA Musica FRA 009. Distr. FRA Distribution.


La production de Ciboulette à l'Opéra-Comique en février 2013 est de celles qu'il faudrait marquer d'une pierre blanche. La partition qui va sur ses cent ans n'a pas une ride, on dirait même qu'elle s'est bonifiée et, sans pouvoir recréer la magie du spectacle vivant, la captation de François Roussillon lui rend pleinement justice : bien cadrée, bien rythmée, bien enregistrée, elle promet autant de bonheur à ceux qui découvriront qu'à ceux qui reverrons.

Comme il n'y a pas de rose sans épine, la plus piquante reste la suppression d'un des deux couplets du duo « Nous avons fait un beau voyage » qui, en l'état, passe trop vite. La plus sanglante est l'exécution calamiteuse d'une mélodie de Reynaldo Hahn par Michel Fau travesti en Comtesse de Castiglione : imiter Florence Foster Jenkins exige un peu plus de finesse. Le but louable (?) était d'introduire une note comique pour relancer le dernier acte, mais le rire du public ne justifie pas la laideur. L'élégant Reynaldo aurait été navré. Ces réserves faites, on ne tarira pas d'éloges sur l'intelligence d'une mise en scène et d'une direction d'acteurs qui, à l'instar de l'œuvre, jouent tendrement avec les codes de l'opérette, sur la qualité des décors (signés Bernard Fau et Citronelle Dufay) dans l'esprit des toiles peintes mobiles, sur l'élégance des costumes (conçus par David Belugou), le tout rehaussé par des effets d'éclairage (de Joël Fabing) très élaborés, notamment la progression de la grisaille nocturne du premier tableau à l'éclat du dernier.

Ce n'est pas sans émotion qu'on revoit la Zénobie savoureuse d'Eva Ganizate, fauchée sur la route l'hiver suivant, et la Mère Pingret rocailleuse de Bernadette Lafont, disparue elle aussi. Julie Fuchs, qui a fait beaucoup de chemin depuis, était encore presque une découverte et sa Ciboulette a de la classe et de la fraîcheur. Julien Behr (Antonin) sait feindre l'air un peu bête du ténor d'opéra-comique - de Georges Brown à Pelléas - et Renan Debois (Roger) joue à merveille le bellâtre galonné : son duo avec Zénobie, mi-Manon, mi-Tristan, est réjouissant. Tous chantent aussi naturellement que l'exige le genre. Peut-être souhaiterait-on à Duparquet - un Don Alfonso à rebours - une voix moins jeune que celle de Jean-François Lapointe, mais il sait toucher et la grande sobriété de son aveu en mélodrame reste un moment de grâce.

Le chœur est impeccable. L'Orchestre symphonique de l'Opéra de Toulon et la direction, encore un peu raide, de Laurence Equilbey, ont bien secondé le plateau sans faire oublier que l'opérette, surtout quand elle est aussi écrite, exige un entraînement intensif.

G.C.