Rinat Shaham (Carmen), Dmytro Popov (Don José), Andrew Jones (Escamillo), Nicole Car (Micaëla), Ariya Sawadivong (Frasquita), Tania Ferris (Mercédès), Sam Roberts-Smith (le Remendado), Luke Gabbedy (le Dancaïre), Adrian Tamburini (Zuniga), Samuel Dundas (Moralès). Orch. et chœur de Opera Australia, dir. Brian Castles-Onion, mise en scène : Gale Edwards (Port de Sydney, avril 2013).
DVD Opera Australia OPOZ56042DVD. Distr. Abeille Musique.


Présentée sur une immense scène en forme d'arène installée dans le port de Sydney, cette production pourrait s'intituler Carmen au cirque, car le drame y est totalement subordonné à l'aspect visuel. Les très nombreux athlètes, danseurs et figurants rivalisent en agilité et en grâce, mais occupent une telle importance qu'ils en finissent presque par occulter l'essentiel. Le metteur en scène Gale Edwards ne recule devant aucun effet pour en jeter plein la vue : scènes de foule extrêmement animées, arrivées de personnages en voitures, descente sur la scène d'un tank, d'un camion de police et d'un énorme conteneur, défilé du dernier acte se terminant par un feu d'artifice... Si la direction d'acteur est ici évidemment sacrifiée sur l'autel du spectaculaire, avouons que les danseurs traduisent une très forte charge érotique, notamment dans la Chanson bohème, qui atteint à une rare intensité dionysiaque.

C'est là le premier attrait de ce DVD qui s'apparente plus à une succession d'airs qu'à une vraie Carmen, puisqu'on ne retrouve à peu près aucun récitatif et encore moins de dialogues. En outre, la suppression du chœur des enfants du premier acte fait en sorte que nous ne découvrons Don José qu'au moment de la Habanera. Le chef Brian Castles-Onion mène ses troupes au pas de charge et réussit à limiter les décalages entre la fosse et l'orchestre, ce qui est déjà un exploit dans des conditions aussi extrêmes. Par ailleurs, la tâche n'est pas aisée pour les interprètes, qui doivent parcourir des kilomètres tout en chantant dans un micro, ce qui rend particulièrement délicat l'équilibre des ensembles, comme le quintette du deuxième acte. À l'instar du chœur, l'équipe de solistes se situe malheureusement à un niveau très faible et ne possède à peu près aucun rudiment de la diction française. Oublions bien vite les comprimari, et même les médiocres Micaëla et Escamillo, pour reconnaître que le Don José de Dmytri Popov est capable de belles nuances et que Rinat Shaham, en dépit d'un chant fruste et au vibrato envahissant, est une Carmen au caractère bien trempé. C'est décidément bien peu pour cette version dont le principal mérite consiste à nous montrer jusqu'à quelle démesure peut se prêter le chef-d'œuvre de Bizet.

L.B.