CD Aparté AP 094. Distr. Harmonia Mundi.
Dixième des douze tragédies lyriques de Lully, Amadis (1684), dont le sujet aurait été suggéré par Louis XIV, est la première à s'inspirer, non de la mythologie, mais d'une épopée chevaleresque - suivront Roland et Armide... Bien que fort goûté en son temps, le livret de Quinault pâtit, à nos yeux, d'un gros défaut de construction : l'action n'y débute qu'au deuxième acte, avec l'entrée du couple de vilains (la sorcière Arcabonne et son frère Arcalaüs), et se termine, avec leur prompte disparition, avant la fin du quatrième ! Reste trois « actes » à remplir... D'où une musique séduisante, langoureuse mais lestée d'incontestables longueurs.
Pour y pallier, Rousset adopte, à son habitude, un train martial et soutenu qui, s'il vivifie certains passages, ne convient pas vraiment à l'œuvre. Il entre ici en concurrence avec ce qui reste l'un des meilleurs coffrets (2006) de la série consacrée à Lully par Hugo Reyne, chez Accord. Parfaitement en phase avec la galanterie du propos, Reyne, s'il n'évitait pas les baisses de régime, conférait à la partition une sensualité, une grâce et un fini auxquels ne peut prétendre le présent enregistrement, d'autant que le jeu des Talens Lyriques (en plus petite formation que La Sinfonie du Marais) apparaît toujours assez raide : l'Ouverture, le Prologue, les scènes d'amour, la célèbre Chaconne chantée et dansée, tout cela apparaît plus naturel chez Reyne. En revanche, Rousset se rattrape dans les « scènes d'action », lors de la Marche pour le combat de la barrière, l'apparition d'Ardan et, surtout, dans l'enchantement de l'acte II, confié à l'orgue et aux solistes (ineffable Van Mechelen !) et non au chœur, comme chez son prédécesseur.
Les chanteurs semblent aussi avoir moins répété que leurs devanciers qui, avec des atouts parfois moindres, gardent globalement l'avantage. Par exemple, si Auvity possède une voix plus saine et solaire que Geslot, il paraît ici s'ennuyer, tombant dans la monochromie. Pareillement, Van Wanroij et Perruche, si elles ne pâtissent pas des défauts de leurs rivales (instabilité chronique de Laurens, acidité de Ricci), ne soignent guère leur élocution, passant à côté de la caractérisation. Et si Bennani égale Masset, le pâle Arnould reste en deçà de Chubbere. Seul Crossley-Mercer, malgré un timbre un peu tassé, impressionne davantage que Westphal, trop cotonneux pour Arcaläus, tandis que Tauran incarne une Fée de grande classe. Pour un premier choix, on préférera donc Reyne - mais Rousset (déjà signataire d'un Bellérophon, d'un Phaéton, d'un Persée et d'un Roland) n'a peut-être, dans Lully, pas dit son dernier mot...
O.R.