Erika Sunnegärdh (Salomé), Mark S. Doss (Jochanaan), Robert Brubacker (Herodes), Dalia Schaechter (Herodias), Mark Milhofer (Narraboth), Nora Sourouzian (le Page), Orchestre du Teatro Comunale de Bologne, dir. Nicola Luisotti, mise en scène : Gabriele Lavia (Bologne, 2010).
DVD ArtHaus 101 699. Distr. Harmonia Mundi.


Le décor est réduit à un sol raviné et comme teinté de sang, où la citerne n'est qu'une fente parmi d'autres. La nuit, noire malgré la pleine lune, fera bientôt place à un ciel lumineux pour mieux montrer la Danse des sept voiles, qu'une autre lune - une loupe, en fait - agrandira façon voyeurisme sans lui donner ni érotisme, ni fulgurance réelle. Côté costumes, on aura une transposition fin XIXe, brandebourgs et casquettes des armées d'alors, habits, médailles et robes du soir. Hors cette afféterie bien de notre temps, la production sera parfaitement narrative, suivant à la lettre le livret de Wilde pour en dévier tout soudain en y ajoutant l'élévation du corps décapité du Prophète, face au surgissement de son visage géant, marbre antique sur lequel se lovera la Princesse pour la scène finale. Rien de révolutionnaire, une grande lisibilité d'ensemble du fait d'une bonne direction d'acteurs qui rend aux personnages leur évidence, à l'action sa montée.

La distribution aide à cela. Avec d'abord la Salomé d'Erika Sunnegärdh, actrice mince, gracile même, qui peut faire croire à son personnage, sauf que son visage n'a plus sa jeunesse en fleur. On a vu certes moins convaincant physiquement, mais plus incarné aussi. Question de chant, à la prononciation très expressive mais à l'aigu un peu coupant, pointu, au timbre sans charme vrai, avec un rien de perversité. Une bonne Salomé, en fait, mais ni vraiment mémorable, ni assurément historique. Mieux encore, le Jochanaan de Mark Doss, aussi puissant de physique que de voix, impressionnant ne serait-ce que par le fait qu'il chante bras levés, enchaînés, une bonne partie de son apparition. Lui fascine vraiment. Très présent aussi, par sa santé vocale, par son investissement, loin des Princes décadents et écroulés si souvent rencontrés, l'Herodes de Robert Brubacker, parfait. Une Herodias sonore, sans grande subtilité, un Narraboth tout aussi sonore mais très vibré, un bon Page ne sont pas du même niveau. La direction de Nicola Luisotti a, elle, de l'allant, du nerf, et fait ressentir le sous-jacent autant que le visible. Mais l'ensemble ne fera pas pour autant une Salomé de référence.

P.F.