Jacques Imbrailo (Pelléas), Michaela Selinger (Mélisande), Vincent Le Texier (Golaud), Doris Soffel (Geneviève), Wolfgang Schöne (Arkel), Dominik Eberle (Yniold), Chœurs de l'Aalto Theater, Philharmonique d'Essen, dir. Stefan Soltesz, mise en scène : Nikolaus Lehnhoff (Essen, 2013).
DVD ArtHaus 101 686. Distr. Harmonia Mundi.


La simplicité peut-elle suffire ? Une aire de jeu carrée, posée en diagonale, quelques marches, des panneaux pour de superbes éclairages, ce Pelléas se jouera dans des espaces lumineux évidents dans leur symbolique, et même fort beaux, entre l'ombre des huis-clos et la clarté des espaces ouverts. Nikolaus Lehnhoff n'a pas pour rien été assistant de Wieland Wagner. Là où le bât blesse, c'est que sa direction d'acteurs est d'une banalité réelle, et que les personnages semblent parfois peu investis pour proposer une cohérence de style et de jeu, même s'ils jouent effectivement les didascalies classiques, détournées seulement pour une Scène de la Tour dotée de deux Mélisandes -pour offrir un simple effet de symétrie ? Mélisandes qu'on découvre à longs cheveux pour cette seule scène, mais ce n'est pas là la seule incohérence, entre costumes disparates (pseudo médiévaux, XIXe, ou plus contemporains) ou espaces intérieurs ou extérieurs pas forcément logiques.

Ce jeu donne cependant un Pelléas sympathique de Jacques Imbrailo, jeune et romantique, et plutôt bien chantant, mais une Mélisande trop femme, trop cantatrice, de Michaela Selinger, privée de ce fait de son mystère. Si Arkel et Geneviève sont au-delà de l'usure, si le petit Yniold - qu'on a privé de la Scène du Berger - est d'une fragilité absolue, le français reste plutôt bien maîtrisé chez tous, mais cela ne marche globalement pas face au Golaud de Vincent Le Texier qui fait alors effet d'une perfection de ton, de chant, de jeu qui en devient écrasante, d'autant que son personnage sonne juste, et particulièrement humain.

Reste alors à faire confiance à la musique ? La direction aux couleurs wagnériennes de Stefan Soltesz, assez retenue, reste parfois simplement trop illustrative pour porter le drame vers son inéluctable conclusion. Mais elle est, avec le baryton français, ce qui fera l'intérêt du DVD. Dernier détail, des résumés aussi maladroits que malvenus de l'action, en anglais, posés sur l'écran à chaque interlude, distraient trop du contenu de ces derniers. Quitte à jouer l'épure, la production de Wilson a une autre densité à proposer. Et pour jouer le jeu du théâtre, Strosser reste impératif.

P.F.