CD Avie AV 2312. Distr. Abeille Musique.
Pour ses 25 ans, le festival britannique de Garsington, si fidèle à Rossini depuis sa création, n'a pas choisi la facilité en programmant ce Maometto. Loin d'être en effet un simple brouillon du Siège de Corinthe parisien, cet opéra napolitain de 1820 demeure l'un des plus révolutionnaires du compositeur en même temps qu'un exemple de vocalité belcantiste d'une rare difficulté pour les interprètes. Le poème épique qui voit s'affronter, à la fin du XVe siècle et au cœur d'une guerre turco-vénitienne, le sultan Mehmed II et le général Paolo Erisso sous le regard transi de la touchante Anna, excède le cadre conventionnel des formes closes en les pliant à de larges séquences théâtrales. Le célèbre Grand Trio du premier acte en est la marque la plus étonnante, qui voit se succéder sans solution de continuité scènes, trios et arie sous l'arc d'une arche tonale et dramatique de mi majeur durant 867 mesures.
David Parry se montre comme à l'accoutumée soucieux du moindre bouton de guêtre rythmique ou instrumental, précis jusqu'à la rigidité, infiniment plus direttore que concertatore. Le chant qui devrait être constamment en majesté pèche plus ou moins gravement. Erisso est ici défendu par un ténor valeureux mais démuni en ses graves, ingrat de timbre, desservi par son vibrato. La couleur trop claire de Siàn Devis, elle aussi à la peine dans le registre grave, comme ses aigus souvent vrillés, détonnent dans ce répertoire, alors que le discret mezzo de Caitlin Hulcup évite de trop exposer ses limites pour se concentrer sur un noble phrasé. L'erreur manifeste de distribution concerne hélas Maometto, irrécupérable. Œuvre majeure, à réécouter mais de préférence dans la version Scimone de 1983 dominée par Samuel Ramey.
J.C.