Naxos 8 660343-44. Distr. Abeille Musique.
La renaissance discographique du très prolixe Mercadante ne pouvait ignorer ces Briganti de 1836, maillon fort d'une chaîne déroulée par le musicien cinquante années durant dans toute l'Europe. Le Parisien Rossini avait incité son protégé à affronter le public de la capitale avec ce melodramma serio inspiré de la pièce de Schiller, Die Raüber, celle-là même que Verdi mettra en musique en 1847 sous le titre I masnadieri. On y partageait déjà les haines des frères ennemis, ici Ermano et Corrado se disputant les charmes de la belle Amelia, sur fond de détestation de leur père, le Comte Massimiliano. On conçoit que le compositeur de Guillaume Tell, ulcéré par le succès du grand opéra à la Meyerbeer - qu'il avait pourtant adoubé à ses débuts -, ait voulu allumer un contre-feu avec cette partition encore très belcantiste. Il reste qu'un an après le triomphe des Puritains belliniens (avec pourtant le même quatuor vocal) et un mois après celui des Huguenots, ces Brigands avaient peu de chances de s'imposer avec éclat.
La partition nous en semble aujourd'hui un rien trop exclusivement vocale, parée de mille séductions virtuoses et mélodiques mais comme édulcorant la tragédie qu'elle est censée épouser, en dépit de réelles bouffées de romantisme, telles celles du premier finale. Airs, cabalettes et chœurs s'y succèdent encore, dissimulant souvent les audaces harmoniques et instrumentales, les élans dramatiques et une certaine vérité humaine libérée du carcan des conventions. Pour servir cette œuvre finalement captivante et sa première mondiale en CD, un orchestre stylé mais parfois hésitant, dirigé par un Fogliani plus à l'aise que dans sa récente Semiramide, et la Camerata Bach dont le meilleur moment réside évidemment dans le chœur séraphique avec orgue du I.
Le plateau est digne de l'enjeu. Excellent, le baryton Vittorio Prato, Corrado phrasant et vocalisant du grave à l'aigu avec une désarmante facilité. Androgyne à son entrée puis solaire, multipliant trilles et smorzandi ineffables avant la grande scène des brigands au II haute en couleur, le ténor Mironov est ici sans égal. L'élément féminin avoue sa jeunesse, s'agissant de la confidente Teresa, et les aspérités de l'aigu, pour ce qui regarde Amelia, soprano vite blanchi dans les épreuves ! Bouffe mué en tragédien, Bruno Pratico ne peut plus compter aujourd'hui que sur son métier accompli, la voix venant à se dérober. Une intégrale de toute manière indispensable.
J.C.