Chandos CHAN 3180(2). Distr. Abeille Musique.
Bien que l'on soit d'ordinaire rétif à l'opéra en langue non originale, la langue anglaise caractéristique des productions de l'ENO aurait pu raviver ici les sources shakespeariennes de l'ouvrage de Verdi. Or il n'en est rien : la réalisation sonore tout comme la direction musicale d'Edward Gardner visent à un hédonisme bien étranger à l'âpreté ou à la noirceur de la lande écossaise et de ses sorcières médiévales. Dès leur première entrée (« Welcome, sisters ») on est surpris par leur chant sage et sans aspérité - brillant néanmoins. Si le fantastique n'est pas au rendez-vous, le drame et son énergie sanglante sont néanmoins bien là : Gardner mène ses troupes, orchestrales et vocales, dans une ivresse de couleurs cuivrées et d'uppercuts à la violence superbe. Un Macbeth se raconte ici sans faillir, d'autant que le régicide est incarné par un Simon Keenlyside qui trouve dans le personnage une forme de somme interprétative : nuances fantomatiques ou jusqu'au-boutistes, majesté ou faiblesse, et jusqu'à un air « No love, no care » (finale 1865) souple et élégant, évitant tout pathos - l'enregistrement propose aussi, en option, le finale 1847. Banquo se hisse aux mêmes sommets, mais hélas sa Lady, au tempérament pourtant certain, expose un timbre élimé dès le haut-medium qui dépare considérablement son autorité vocale comme la fascination qu'elle devrait exercer.
Une version attachante pour son dramatisme tonique et ses deux généraux véritablement royaux ; mais où le couple meurtrier est trop dépareillé, et où les sortilèges éblouissent au lieu d'embrumer.
C.C.