CD Opera Rara ORC50. Distr. Abeille Musique.
Depuis sa création, le label britannique Opera Rara constitue à lui seul un argument choc en faveur du maintien de l'enregistrement sonore sous forme « matérialisée ». Chacun de ses coffrets est l'équivalent musical d'un coffee table book : bel objet, matière et design du boîtier de goût constituant la promesse d'un contenu de référence - que tiennent la présence du livret intégral (de Gustave Vaëz pour Rita), les commentaires rédigés par des musicologues de choix (ici le donizettien Francesco Bellotto) et les réalisations artistiques d'un soin exemplaire. Selon l'usage du label, cette Rita revient aux sources documentées de la partition et en propose la version originale, en français - les dialogues parlés sont ici très correctement réalisés, sans que les pointes d'accent des uns et des autres empêchent leur compréhension ou leur esprit, même si leur rythme se trouve un peu amolli par leur réalisation sourcilleuse. Le titre initial est également retrouvé, préféré à Rita ou Le Mari battu qui date de la création posthume de l'ouvrage, en 1860 - comme quelques changements de paroles affadissant l'audace du propos de 1840.
A l'évidence, il s'agit ici de donner toutes ses lettres de noblesse à ce court opéra-comique (une heure) mal connu d'un compositeur trop souvent méprisé. Son effectif restreint (un trio vocal) en fait une pièce considérée comme secondaire - malgré une écriture où Donizetti rejoint la pétulance d'esprit de La Fille du régiment, anticipe les valses de Don Pasquale, trouve des changements d'atmosphère qui semblent la rencontre de Rossini et Offenbach, et un jeu sur la vocalité et le mot toujours follement amusant. Sir Mark Elder et l'ingénieur du son n'hésitent pas à faire sonner The Hallé avec une opulence de touche ici inédite, et les solistes sont tout simplement luxueux. Le mezzo de Katarina Karnéus nous change des sopranos légers qui donnent habituellement à Rita un côté pincé, voire pécore, assez antipathique ; son timbre rond et profond dessine ici plutôt une maîtresse-femme, moderne dans son autorité. Barry Banks, souple et généreux, renforce encore le lien avec La Fille et les élans débridés de Tonio. Christopher Maltman est un Gasparo séducteur, qui atteint un grand naturel dans la rouerie. L'unique regret (l'enregistrement de studio, qui prive les interprètes de cette pincée de spontanéité que seul le live peut offrir) ne viendra pas gâter notre plaisir : Rita est retrouvée, Révérence à ses deux maris - le directeur musical, et son producteur.
C.C.