Opus Arte OA 1018 D. DistrArt Musique.
Dans le sillage de la production signée Sasha Walz (Berlin 2005, DVD ArtHaus), voici une nouvelle Didon chorégraphiée, cette fois par Wayne McGregor - créée à Milan en 2006, la production est filmée ici au Covent Garden. Moins conceptuelle qu'à Berlin, la proposition se fait plus discrète, comme en marge du chant : les interprètes apparaissent donc moins gênés par leur manque de familiarité avec le langage corporel mais, du même coup, semblent rester dans leur monde, que la danse commente - fluide, élégante, infiniment musicale pourtant - plus qu'elle ne l'habite.
La tentation est grande de comparer aussi cette Didon à la référence vidéographique de l'ouvrage, la captation de la mise en scène de Deborah Warner (Opéra-Comique 2008, DVD Fra Musica). Est-ce le décor nu de Hildegard Bechtler ou les costumes de Fotini Dimou (parfois peu seyants, notamment pour le chœur), est-ce la façon ici très frontale d'envisager le plateau, on ne retrouve pas le sentiment d'une histoire vécue et incarnée sous nos yeux, faute d'une définition précise - fût-elle imaginaire et recréée - des lieux et personnages. A l'image des Sorcières, ni vraiment affreuses, ni vraiment drôles.
Reste alors la part musicale, et la surprise vient d'un Christopher Hogwood laissant passer des lourdeurs étonnantes, lui dont on connaît la poésie et la fluidité narratives dont il a fait preuve dans cet opéra. Tempi prudents, seconds rôles forcés (le Marin de Ji-Min Park), Enchanteresse au tempérament certain mais au vibrato démesuré (Sara Fulgoni), sont trop de déceptions qui masquent les beautés par ailleurs réelles de la soirée. Car si l'Enée de Lucas Meachem est moins plein et mordant que Christopher Maltman (qui formait avec la Didon de Malena Ernman un couple de désir et de corps), il n'en est pas moins émouvant face à une Sarah Connolly au visage de statue, au timbre chaud, et qui délivre une Mort poignante. Pourtant la palme des instants les plus suspendus revient sans doute au chœur et à ses échos crépusculaires (« In our deep vaulted cell »), où la magie Hogwood vous rattrape alors jusqu'au vertige - décidément, cette Didon surprend, et laisse autant une sensation d'inabouti que la marque de moments vibrants.
C.C.