Heike Wessels (Bianca), Sergey Skorokhodov (Guido Bardi), Albert Dohmen (Simone), Petra Lang (Lieder), London Philharmonic Orchestra, dir. Vladimir Jurowsky (2010/Lieder, 2012/Tragédie).
CD LPO 0078. Distr. Abeille Musique.


Sixième version de la Tragédie florentine en moins de quarante ans : Zemlinsky a bien retrouvé sa place au firmament des compositeurs du XXe siècle, comme vrai témoin de son temps, de par des œuvres à l'érotisme neuro-psychologique torride et à l'expressionnisme incontournable. Si Vladimir Jurowsky se perd d'abord un peu dans les touffeurs sensuelles du prélude, décrivant les ébats sexuels des deux protagonistes avec force lourdeur, puis peine à soutenir les premiers échanges entre le marchand et le prince, c'est dans la montée progressive puis dans l'explosion de la tension que le chef se montre le plus porteur, retrouvant alors l'impact de la référence Chailly. Mais le LPO n'a pas la richesse de timbres du Concertgebouw, et apparaît un peu plus sec de son. La voix d'Albert Dohmen - dont c'est le troisième enregistrement de Simone, après Chailly et Jordan - reste ce qu'elle est, ingrate, peu expressive mais assurément efficace, et pas si défaite à près de 20 ans de sa première version. Et il sait lui aussi faire monter la tension. Belle Bianca de Heike Wessels, plus fine que Deborah Voigt, Prince sans impact de Sergey Skorokhodov. Voilà une belle version, certes, mais un choix non prioritaire qu'on fera après Chailly (Decca) et Conlon (EMI).

Très belle interprétation en revanche des Maeterlinck Lieder, dont les références sont à chercher à ce jour chez von Otter avec Cord Garben au piano (DG) et surtout, pour la splendide version orchestrale, chez Jard van Ness avec Chailly (Decca) et Randi Stene avec Muhai Tang (Simax). Contrairement à la mezzo hollandaise, plus sombre, plus légère aussi, Petra Lang, qui joue désormais dans la cour des sopranos dramatiques, offre une interprétation vocale en phase avec la densité et l'opulence de l'orchestre telle que la rend Jurowsky, en une belle cohérence. Chailly, là encore, sera plus fouillé, plus clair (de prise de son aussi). Choix difficile, mais les deux œuvres en un CD, c'est un plus.

P.F.