SFS Media 821936-0059-2 (2 CD). Livret en anglais. Distr. Abeille Musique.
Voici un nouvel enregistrement de West Side Story qui devrait recueillir le consensus de très nombreux auditeurs. Dans le but de retrouver l'essence de cette œuvre emblématique de la culture américaine du XXe siècle, Michael Tilson Thomas a voulu donner l'idée la plus exacte possible d'une production de théâtre musical de Broadway. Oubliez donc par exemple le son hypertrophié du film de Robbins et Wise (1961) conçu pour une formation orchestrale nettement plus fournie. Si, comme le précisent les notes très soignées du livret d'accompagnement, Bernstein avait lui-même légèrement remanié l'orchestration (de Sid Ramin et Irwin Kostal) pour les fins de son enregistrement de 1984, Tilson Thomas a préféré revenir à la partition originale de 1957, mais en doublant les cordes. C'est là un péché véniel qui nous permet d'apprécier le San Francisco Symphony au grand complet et dans une forme resplendissante, irrésistible de rythme, de mordant et de couleurs sonores étincelantes.
Toujours selon la même logique de retour aux sources, le chef a choisi des acteurs-chanteurs et non des vedettes de l'opéra comme l'avait fait Bernstein. Loin de l'hédonisme vocal de Te Kanawa, Carreras et Troyanos, les interprètes de cette version endossent avec un grand naturel leurs rôles respectifs, sans posséder toutefois de fortes personnalités vocales. Le suprême équilibre entre les voix auquel parvenait Bernstein, notamment dans le quintette « Tonight », n'est pas ici toujours atteint. Malgré un relatif manque de fraîcheur dans la voix, Alexandra Silber est une Maria émouvante, mais pas vraiment bouleversante. Le même commentaire s'applique au Tony viril de Cheyenne Jackson qui, doté globalement d'une voix agréable et capable d'une belle suavité dans l'aigu, fait entendre un grave caverneux pour le moins déconcertant. Anita au caractère bien trempé, Jessica Vosk a un timbre trop voisin de Rosalia, ce qui nuit au contraste souhaité dans « America ». Ce sont finalement les seconds rôles qui s'avèrent les meilleurs : le Riff parfaitement en situation de Kevin Vortmann, le Bernardo racé de Kelly Markgraf et surtout le personnage anonyme (« Une fille ») de Julia Bullock qui chante un « Somewhere » déchirant. Au total, cette version débordante d'énergie et réellement excitante vaut davantage pour la direction de Tilson Thomas que pour l'équipe de chanteurs un peu inégale qu'il a réunie autour de lui.
L.B.