Ruth Rosique (Elena), Caterina di Tonno (Olimpia), Alessandra Maraianelli (Corallina), Clemente Daliotti (Nardullo), Filippo Morace (Marzucco), Alessandro Spina (Nastagio), Dionigi d'Ostuno (Doralbo), I Virtuosi Italiani, dir. Corrado Rovaris, mise en scène : Leo Muscato (Jesi, 2012).
DVD EuroArts 2072648. Distr. Harmonia Mundi.


Partition de jeunesse perdue et retrouvée en 2007, cette Fuga in maschera créée à Naples en 1800 est une œuvre entre deux époques. Par son langage musical - orchestration, invention mélodique, structure des numéros -, Spontini regarde déjà avec une dizaine d'années d'avance vers l'opera buffa tel que Rossini l'illustrera dans ses farces vénitiennes, mais il utilise encore les vieux codes de la commedia per musica de la fin du XVIIIe siècle. Nous ne sommes pas très loin de La finta giardiniera d'Anfossi, par exemple.

L'intrigue n'est pas simple. Marzucco, un bourgeois enrichi entiché de peinture, veut marier sa fille à Doralbo, un faux médecin ; mais celle-ci s'est amourachée de Nardullo, un paysan rustaud, personnage dialectal comme le sera Don Pomponio dans La Gazzetta de 1816. La nièce du peintre, Olimpia, est amoureuse du charlatan qui, bien sûr, lui préfère l'héritière. Sur ces entrefaites, Nastagio, l'insolent valet de la maison, introduit une aventurière poursuivant le médecin qui l'a trompée et escroquée. Il s'agit de la sœur du paysan qui refuse de lui verser ses dividendes sur le jardin dont ils ont hérité et qu'il cultive. Tout ce petit monde sort en droite ligne du vieux fonds de la commedia dell'arte mais, à travers eux, c'est d'évidence une charge sociale sur la société napolitaine de son époque que développe le livret.

Le metteur en scène en profite pour réaliser une transposition qui mixe subtilement costumes d'époque et stylisme contemporain et actualise les personnages dans un registre burlesque et une esthétique de bande dessinée dont les amateurs reconnaîtront les références. Le décor tient en tout et pour tout en un jeu de projections vidéo sur un rideau mouvant. Elles permettent de varier à l'infini et à peu de frais les ambiances et d'approfondir la scène grâce à des effets d'arrière-plan en transparence.

Certes, la musique de Spontini ne manque pas d'originalité mais elle peine un peu à transcender les archétypes et les situations téléphonées d'un livret sans véritable ressort dramatique. Chaque numéros pris en lui-même relance l'intérêt : les airs donnent un certain relief aux personnages, les ensembles recèlent de nombreuses surprises et les récitatifs sont très vivants ; mais les situations s'enchaînent sans vraiment s'imbriquer et l'ensemble ne possède pas de véritable tension.

L'équipe réunie pour cette résurrection est aussi brillante vocalement qu'habile à caractériser les personnages et réussit grâce à son engagement à faire vivre les situations. Excellent le trio de sopranos aux personnalités bien contrastées - avec une mention particulière pour la jolie voix de la moins connue des trois, Caterina di Tonno. Le versant masculin ne démérite pas, n'était une petite tendance - caractéristique des basses bouffes - à parler son rôle chez le Marzucco de Filippo Morace. A la tête des Virtuosi Italiani et au continuo, Corrado Rovaris donne l'élan et la vitalité nécessaire à cette redécouverte. Cette production en DVD vient pour la première fois témoigner du travail peu connu hors d'Italie du Festival Pergolesi-Spontini de Jesi qui, sous l'égide de la fondation homonyme, réalise depuis 2001 un important travail de résurrection des œuvres oubliées des deux compositeurs, tous deux natifs de la région.

A.C.