Myrto Papatanasiou (Ginevra), Magdalena Hinterdobler (Dalinda), Anna Bonitatibus (Ariodante), Stefanie Iranyi (Lurcanio), Mario Zeffiri (Polinesso), Peter Schone (le Roi d'Ecosse). Chœur et orchestre de la radio de Munich, dir. George Petrou (live 14 juin 2013).
CD Oehms Classics OC 960. Distr. Abeille Musique.


Opera Rara avait déjà publié en 2002 un enregistrement de cette Ginevra di Scozia, dramma en deux actes sur un livret de Gaetano Rossi d'après le célèbre épisode de l'Orlando furioso, créé au Teatro Nuovo de Trieste en 1801 et l'un des opéras les plus célèbres de Mayr. Cette première version plus prestigieuse en termes de distribution nous avait alors semblé peu convaincante, moins en tous cas que cet enregistrement de concert réalisé en une seule soirée à Ingolstadt en juin 2013. Sans doute faut-il y reconnaître les vertus de coupures judicieuses pratiquées dans des récitatifs secs un peu longs, qui font mieux ressortir la continuité dramatique d'une œuvre encore construite sur le modèle du pezzo chiuso mais où le compositeur tente parfois d'audacieux enchaînements. Si l'on reconnaît ici les schémas de l'opera seria de la dernière décennie du XVIIIe siècle, avec ses personnages secondaires et leurs airs de sorbet un peu convenus, on sent poindre dans l'inspiration orchestrale très germanique de coloris et dans l'énergie avec laquelle sont dessinées certaines scènes, les prémices d'une vision préromantique qui trouvera son accomplissement dix ans plus tard dans le Tancredi de Rossini. Le finale primo enchaîne ainsi en une longue séquence d'une demi-heure toute la conclusion de l'acte I, du faux rendez-vous de Polinesso et Ginevra à la mise en accusation de la princesse innocente. Au second, le pianoforte se fait plus discret, cédant très souvent la place à des accompagnati remarquablement modelés.

L'autre atout de cette réussite réside dans la direction de George Petrou qui, à la tête de l'orchestre de la radio de Munich, donne de cette partition à cheval entre deux styles et deux époques, une vision très prenante car authentiquement dramatique. Il en valorise les recherches orchestrales et l'originalité mélodique dans de magnifiques préludes ou solos obbligati, tel celui du violon de la grande scène de désespoir de l'héroïne, incluse dans le finale déjà cité.

Du côté des solistes, Anna Bonitatibus n'a certes pas l'étoffe dans le grave ni le médium d'une Daniela Barcellona mais son Ariodante, d'une belle expressivité, est tout à fait à la hauteur d'un rôle écrit pour les moyens de Luigi Marchesi, un de ces grand castrats de théâtre à la tessiture exceptionnelle. A quelques aigus et suraigus près, dignes d'une Reine de la Nuit, Myrto Papatanasiou se révèle idéale de timbre et de virtuosité dans le rôle-titre très périlleux de Ginevra. Quant au Polinesso de Mario Zeffiri, si son émission n'est pas toujours très orthodoxe dans l'aigu, son timbre un peu ingrat sert finalement la caractérisation de son personnage de traître malfaisant. On citera encore parmi les seconds plans l'excellent Lurcanio de Stefanie Iranyi, un autre rôle de castrat - chanté chez Opera Rara par un contreténor -, et le Roi de Peter Schone ainsi que le chœur masculin remarquablement préparé. Cette publication constitue un apport essentiel à la redécouverte et à la réévaluation de l'œuvre dramatique du glorieux maître de Donizetti auquel on regrettera que l'éditeur n'ait pas fait l'effort d'adjoindre une notice musicologique.

A.C.