CD Radioservis CRO668-2. Distr. Radioservis.
Il y a Sang viennois, mais il y a aussi Sang polonais, concocté par le même Leo Stein, également librettiste de Lehár - pour La Veuve joyeuse en particulier. Une histoire adaptée de Pouchkine et transposée en Pologne pour des raisons sans doute politiques, alors que les relations austro-russes ne sont pas au beau fixe - cela permettait aussi de préserver la partition d'une touche d'exotisme slave. Oscar Nedbal remporta là un grand succès : plus de cinquante reprises après la création le 25 octobre 1913 au Carltheater de Vienne, sans compter les productions tchèques ou allemandes. Rien d'étonnant si un Tchèque, ancien élève de Dvořák au conservatoire de Prague, compose une opérette viennoise sur un texte allemand : Nedbal s'était établi dans la capitale impériale, où il avait fondé en 1907 le Tonkünstlerverein - l'orchestre qui, en 1913, créa les Gurrelieder de Schoenberg. Ouvert à la musique de son temps, il donna la première tchèque de la Deuxième Symphonie de Mahler en 1903, révéla la version révisée de l'Ouverture de concert de Szymanowski en 1913, année où il regagna la Tchécoslovaquie naissante.
Le chef et compositeur Vlatislav Antonín Vipler, spécialisé dans l'opérette, ressuscitait la version tchèque de Sang polonais à la Radio de Prague en 1947, à la tête d'un ensemble de choix où des acteurs suppléent les chanteurs pour les dialogues. Si Maria Tauberová, charmante et piquante, sonne un peu acide, elle est moins citronnée que la Wanda de Jarmila Pechová. Les hommes, eux, sont parfaits : Jaroslav Gleich, célèbre ténor tchèque, incarne le comte Barański, Oldřich Dědek n'est pas moins délié en Popiel et le Zaremba de Hanuš Thein impressionne par la profondeur abyssale de ses graves.
Quatre ans après Sang polonais, La Belle Saskia, très vaguement inspirée par le tableau de Rembrandt, eut moins de succès même si le Carltheater la donna chaque jour entre la création, le 16 novembre 1917, et mars 1918 - là encore, le livret est dû à des maîtres du genre, le tandem Alfred Maria Willner et Heinz Reichert, auteur notamment de la Frasquita de Lehár. Vipler dirige une version tchèque abrégée - avec texte de liaison - dont les interprètes ne le cèdent en rien, loin de là, à ceux de Sang polonais. Mais attention : si la notice de présentation est excellente, elle ne s'accompagne pas du texte des livrets. Deux agréables découvertes, en tout cas, complétées par la Troisième Danse slave de Dvořák enregistrée en 1928 sous la direction de Nedbal.
D.V.M.