Georg Zeppenfeld (Sarastro), Mandy Fredrich (la Reine de la nuit), Bernard Richter (Tamino), Julia Kleiter (Pamina), Markus Werba (Papageno), Elisabeth Schwarz (Papagena), Rudolf Schasching (Monostatos), Concentus Musicus Wien et Chœur du Wiener Staatsoper, dir. Nikolaus Harnoncourt, mise en scène : Jens-Daniel Herzog (Salzbourg, 2012).
DVD Sony 88843005729. Distr. Sony.

En 2012, Nikolaus Harnoncourt faisait son grand retour au Festival de Salzbourg, qui plus est à la tête de son propre ensemble, le Concentus Musicus Wien - fondé en 1953. Sa Flûte est analytique, d'une grande clarté d'intention et d'articulation que les timbres des instruments d'époque rendent encore plus lisibles ; en contrepartie, et ce dès l'Ouverture, un didactisme certain impose ici ou là ses effets appuyés, alourdissant les tempi, toujours retenus voire pesants, comme l'esprit, jamais complètement libéré dans la fantaisie ou la légèreté. D'évidence, le chef-d'œuvre est servi avant le Singspiel. L'équipe vocale, solide voire opulente, a les moyens de cette vision : Tamino déclamatoire plus que rêveur de Bernard Richter, Pamina décidée plus que fragile de Julia Kleiter, Papageno généreux et bravache de Markus Werba, Reine de la nuit ample de Mandy Fredrich, Sarastro profond et racé de Georg Zeppenfeld... tous se fondent dans cette lecture tour à tour contemplative, solennelle ou terrienne, en soutiennent notamment les distensions, sans faille aucune. On peut regretter ce ton d'ensemble, mais reconnaissons une très belle homogénéité de réalisation.

La mise en scène de Jens-Daniel Herzog propose plus qu'elle n'organise de multiples idées, agréablement colorées mais peinant à faire sens global ou du moins original. La scène du Manège des rochers est démultipliée par la scénographie de Mathis Neidhardt en pensionnat carcéral où Pamina subit tour à tour la férule de surveillants (Monostatos), savants fous (Sarastro) ou camarades émoustillés (les Esclaves). Papageno et sa fourgonnette d'épicier, Tamino en icône Ralph Lauren (jusqu'au bout du brushing), sont certes des figures bien dessinées, mais on regrette que cette transposition franche du monde de Sarastro n'ait pas été accompagnée de la même inventivité du côté de Reine de la nuit : là, les robes à paillettes et choucroutes capillaires des trois Dames et de leur souveraine tournent court. Surtout, l'option de Herzog est une Flûte à rebours des Lumières : avec ce Sarastro placé à la tête d'une secte scientiste des plus inquiétantes, seringues et télécommandes à la main, tout indique que l'initiation des jeunes princes se veut une sujétion-formatage en règle plus qu'une ouverture au monde et à soi-même. Contrepied de la musique de Mozart qui aurait mérité d'être plus profondément alimenté - le twist final, qui fait du landau le salut des jeunes couples et renvoie dos à dos Sarastro et la Reine, ne suffit pas à convaincre.

C.C.