Markus Volpert (Miriways), Ulrike Hofbauer (Sophi), Julie Martin du Theil (Bemira), Gabriele Hierdeis (Nisibis), Stefan Zenkl (Murzah), Ida Aldrian (Samischa), Susanne Drexl (Zemir), Ilja Werger (Scandor), L'Orfeo Barockorchester, dir. Michi Gaigg (2014).
CD CPO. Notice et livret en anglais. Distr. DistrArt Musique.

Ne nous laissons pas égarer par un titre aux consonances anglo-saxonnes : « Miriways » est en fait la transcription phonétique du nom de Mir Wais (1673-1715), surnommé aussi le « Cromwell persan » en l'honneur de la révolte victorieuse menée par son clan afghan contre la domination perse. Devenu roi d'Afghanistan sous le titre de Khan Hotak (il fonda la dynastie des Hotaki), Mir Wais n'était décédé que depuis cinq ans lorsque Telemann lui consacra cet opéra, créé en 1722 au Théâtre du marché aux oies de Hambourg : le musicien allemand traitait donc d'un sujet quasi-contemporain - et qui l'est d'ailleurs encore peu ou prou, puisque Mir Wais fut l'un des héros de la résistance chiite au sunnisme iranien...

Bien évidemment, ces graves thématiques sont abordées dans ce Singspiel (entièrement en allemand, contrairement à d'autres ouvrages écrits par Telemann pour Hambourg, mais doté de récitatifs) sous l'angle du mélodrame amoureux ponctué de scènes de beuverie, de danses, de processions et, même, d'une apparition fantomatique ! Traitant essentiellement de l'opposition puis de la réconciliation de Mir Wais avec son beau-fils Sophi, le livret apparaît embrouillé, encombré de trop de personnages sans réelle consistance pour que l'émotion puisse se cristalliser sur un destin ou une scène en particulier. Néanmoins, la partition de Telemann se révèle comme toujours riche de mille détails instrumentaux et traits rhétoriques : par exemple, les cors, à l'agilité très sollicitée dès l'Ouverture, ont pour fonction de fournir l'exotique couleur locale, tandis qu'au bouleversant air final de Mir Wais est réservée la parure du hautbois d'amour.

Rodée sur la scène du Théâtre de Magdebourg, l'interprétation s'avère très vivante - et orchestralement probante -, bien que Michi Gaigg peine à unifier ce corpus finalement disparate. Il semble que trop de coupures (un tiers des da capo) aient bouleversé les proportions de l'œuvre, freinant l'expressivité d'une distribution efficace mais sans grand relief. Les trois rôles de soprano notamment (ceux de Sophi, Bemira et Nisibis) auraient mérité des gosiers plus virtuoses, tandis que les deux barytons (Volpert et Zenkl) nous valent de beaux moments. S'il nous est arrivé de dénoncer dans ces colonnes certaines lectures mégalomaniaques (récemment, celles de René Jacobs, pour ne pas le citer), il nous faut regretter la modestie de celle-ci, à qui nous devons pourtant une agréable découverte...

O.R.